Empire occulte et machinerie mentale acérée, BLUT AUS NORD compulse le néant avec sa torve pâleur cadavérique, incrustée et sillonnée de fils de fers et autres rouages cyber-génétiques. Symptôme de la négation, ouvrage d’une décrépitude de l’âme balayant d’un regard évidé de chaleur les monuments dressés par la main de l’homme, transperçant le bitume pour embrasser les entrailles grouillantes de la terre, fauchant le béton des murs pour ne plus apercevoir que la sinistre litanie des mouvements contenus par ces murs, BLUT AUS NORD institue la symphonie macabre d’un Ambient pesant, enlacé aux engeances Electro vomies des cocons de « The Work Which Transforms God ».

En cinq pièces froides, BLUT AUS NORD ouvre ses bras décharnés sur une introduction "Enter (The Transformed God Basement)" qui ébauche de ses mains noirâtres le pont d’avec son prédécesseur, émiettant le chœur d’un enfant sacré d’un éboulis Doom de percussions, guitares écartelées et samplers exhalées en ectoplasme noir grimpant depuis le centre éventré de la terre… et l’oeuvre de frôler les immeubles dévastés travestissant la notion de flore, tandis que la faune des hommes aux costumes édictant le règne du malaise vient conférer l’illusion de la vie à l’ensemble. Cette vie dont les guitares ont vampirisé le foyer, laissant leurs flammes se gainer de cendres et de ce liquide gluant et poisseux qui se font trafique de tentacules étirées, sans rythme… et ce n’est certes pas les machines et percussions qui, ponctuant les progressions martelées des guitares et les grondements de la basse, viendront figer l’exosquelette de l’univers.

"Level-1", basse enflée et guitares ponctuées comme les pas d’un géant, ou ondulant telles les reptations d'un serpent ravagé par la désorientation. Samplers grimaçants, écartèlement des six cordes, gémissements électroniques entourant les cadavres, voix désincarnées s’envolant depuis je ne sais quelle fenêtre, vision d'abysses insalubres où sont mutilés les visages des morts… "Level-2", silence d’apocalypse troué par une boîte à rythme en pointillés, comme pour tatouer de coups les ronrons désinvoltes de la basse, et céder finalement l’offrande à ces nappes de claviers en langues de ciel mort… "Level-3", caverne d’ambiant où l’oscillation de flammes blanches jette sur les murs la trame d’une hypnose macérée dans le gosier de quelque sorcier, pétrissant de glaise morbide les incantations de ses ancêtres… "Exit" enfin, crispée, concise comme un venin glacé… délivrance du sujet.

Marginalisant son œuvre antérieure, « Thematic Emanation Of Archetypal Multiplicity » se fait recueil éclaté et désossé d’homogénéité, abandonnant les incisions Black et trouvant sa voix dans le cataclysme lent et funèbre d’un Ambient quasi instrumental, aux sphères Electro palpitantes d’une vie dégénérée, où les guitares deviennent cris, pleurs, lamentations et rage rentrée… où les claviers et samples vêtissent le monde de sa parure eschatologique… où les percussions détaillent les frappes ou martèlent sans tact. Singulière, inattendue, désespérée, cette œuvre ramassée s’éprend d’une vision kaléidoscopique de la négation. L’expérience n’en est que plus inquiétante, à défaut d'être suffisamment approfondie pour briguer le suprême. « Theoricians Of Insane Aesthetism » ? « Soundtracks For Scientists Of Occult Synchretism » ? Oui : BLUT AUS NORD, culte novateur de l’art de mort, en cette antre impavide du nihilisme.