Deux ans après "Still Not Black Enough" qui n’était pas tout à fait un album de WASP même si c’était écrit dessus, Blackie ramène le groupe sur le devant de la scène. Premier effet d’annonce, Chris Holmes est de retour ! Ensuite, la poésie exacerbée du bonhomme remonte à la surface, comme le stipule le titre de l’album : "K.F.D" pour "Kill Fuck Die". Tout un programme. Et surtout, Lawless ne se contente pas de revenir à un style qui a fait la réputation de WASP, il balance une espèce de skeud qui n’a pas de précédent, ni de suite d’ailleurs, dans une discographie pourtant bien fournie.

À cette époque, MARILYN MANSON était en haut de l’affiche, il représentait à travers son Indus glauque le Shock Rock de cette fin de siècle. De quoi faire grogner dans son coin Lawless qui n’était pas mauvais dans cet exercice dans les ’80. Et à ce titre, "K.F.D" est un véritable pavé dans la mare. Limite, MANSON pourrait aller se rhabiller. WASP balance ici, contre toute attente, une bombe de Heavy fortement marquée d’Indus, qui est à la dentelle ce que la déchiqueteuse à bois est à Fargo. Si vous voyez ce que je veux dire.

La pochette laisse présager du pire. L’image à l’intérieur du livret est gerbante à souhait. Et je ne parle pas de la photo de nos deux joyeux lurons de Lawless et Holmes. L’ambiance de l’album est malsaine, et elle évolue dans une violence sourde. Ce n’est pas comme sur le premier album, où le groupe distribuait les parpaings, enveloppés dans de la viande, à la file, en rigolant bien tout en reluquant les bonnes sœurs de passage. Là, c’est plus insidieux. On est sur la mutilation méticuleuse, jusqu’à des pics, des explosions qui ne laissent pas indemnes.

"K.F.D" est un disque foutrement intelligent. Il coule tout seul, tel un filet de bile, tout aussi brûlant dans l’œsophage. Et jusqu’à la conclusion épique de "The Horror", on est malmené, secoué, bringuebalé dans tous les sens, jusqu’à la nausée. La chanson-titre nous inflige les premiers sévices et le duo fou derrière tout ça se montre très malin, parvenant à instaurer le malaise dans toutes les situations possibles et imaginables ("My Tortured Eyes"). Jamais plus WASP ne paraîtra aussi dangereux qu’avec ce disque.

Bref, "K.F.D" pourrait être considéré comme le frère dégénéré du premier album. Mais là où "WASP" est jouissif, "K.F.D" est viscéral. Un miroir déformant en somme, quand l’entertainment gras et beauf se transforme en une nuée de cauchemars. Pour ma part, il complète le carré d’as de la discographie de WASP.