Cette merveille devant être jugée avec toute la subjectivité hypocrite et le dithyrambe qu'elle mérite, nettoyons-la des quelques saletés qui obligeraient sinon à formuler une opinion honnête.

Tirons d'abord la chasse pour évacuer l'étron instrumental "Pleasure Slave". Un, cette souillure ne figure pas sur l'édition vinyle originale. Deux, son abjecte misogynie témoigne du crétinisme où verse Joey de Maio à surcharger son délirant concept barbare. Les délicates allégories de "Hail And Kill" suffiront.

Considérons ensuite que deux des trois bouche-trous n'en sont pas. Tolérons, pour une fois, la participation d'une petite chorale dominicale sur un curieux cantique païen. Amusons-nous du massacre d'un thème classique sous les encouragements destroy d'une guitare saturée et d'arrangements compressés. Et pardonnons ainsi l'interminable bavardage qui annonce le sublime titre conclusif.

Si fait, admirons l'ouvrage dans sa réelle splendeur. Six monstrueuses pierres de taille où s'amalgament les gros et petits cailloux semés sur "Fighting The World" et ses prédécesseurs. Six blocs monumentaux solidifiés par le mortier composé du chant d'Eric Adams, au sommet de son art, et du génie de Ross The Boss, tirant de presque rien des riffs dantesques et des solos venus d'ailleurs. Bref, six brûlots de Heavy Metal intense, dont l'écriture agence et exploite à la perfection le classicisme à la base de la rudimentaire grammaire musicale de MANOWAR.

Variations, ruptures, explosions, chœurs, harmonies, accroches, tout y passe. L'épopée sauvage de "Hail And Kill" et la chevauchée héroïque à n'en plus finir de "Blood Of The Kings" en sont le condensé ultime, comme "Heart Of Steel" demeurera l'archétype absolu de la Power ballade et "Kingdom Come" le titre le plus planant et poétique sur l'échelle du groupe. Les compositions les plus directes sont astucieusement soutenues par une production aussi puissante qu'intelligente. Le mixage stéréo des vocaux et celui, très en retrait, des étranges tressautements de la batterie (notons la quasi-absence de double pédale sur cet album) donnent l'élan nécessaire au vrombissant "Wheels Of Fire". Et que dire du mash up MANOWAR vs. fans sur fond de riffs over shootés aux stéroïdes sinon qu'il achève de faire du Heavy binaire de "Kings Of Metal" un vrai carnage.

Ce panégyrique est, par définition, discutable. Mais comment présenter autrement un album qui n'a pas pris une ride en trente ans, et encore capable aujourd'hui de dégager la même force brute qu'à l'origine ?