Pourquoi ? Mais pourquoi diable pondre une Kro-X de "Appetite For Destruction" en 2023, quand tant de nouveautés voient le jour chaque semaine, avec la désormais fameuse "cuvée du vendredi". D’ailleurs, j’espère que vous me permettrez cette petite digression, mais je conchie cette habitude. Au lieu de fournir une livraison chaque jour, TOUS les labels publient leurs titres le dernier jour de la semaine afin de maximiser leur classement au Billboard. Bon, pour les "gros" artistes, je veux bien comprendre, mais pour les underdogs, je ne vois pas bien l’intérêt. Mais ceci n’est pas le sujet. Donc pourquoi "Appetite..." en 2023 ?

Déjà, pour commencer, voir les GUNS abîmer leur légende année après année fait une peine inouïe à mon petit cœur de metalleux. Parce qu’avant de s’auto-parodier avec un batteur robotique à travers les stades du monde entier et un chanteur en perdition, les GUNS, c’était ça ! Ça, n’étant ni plus ni moins que l’un des meilleurs albums de Rock, au sens large du terme, de tous les temps. Gavé jusqu’à la gueule de tubes plus imparables les uns que les autres (je n’ai même pas besoin de les citer, vous les connaissez tous), Axl et sa bande ont débarqué avec une étiquette Glam des plus restrictives en 1987 pour coller une mandale à la planète, évoluant à des années-lumière au-dessus de la scène de l’époque. Souvent copiés, y compris par eux-mêmes, jamais égalés, GUNS N’ROSES pond là l’album ultime et atteint un niveau qu’il ne frôlera plus jamais, même de loin.

Ensuite, "Anything Goes" mis à part, l’opus ne contient aucune chanson faible. Bien évidemment, tous les morceaux ne sont pas nécessairement exceptionnels, mais les différentes pistes ont chacune ce petit truc en plus, celui qui fait dresser les sourcils ou les poils, ou les deux. L’une des plus méconnues du grand public, "Think About You", figure ainsi très proche de mon panthéon personnel, avec ce côté agressif à souhait, venant relancer la machine après "My Michelle".

Enfin, il s’agit à mon sens de l’un des plus beaux albums de grattes ever. Évidemment, les soli sont magnifiques et, avec cet opus, naît un guitariste mythique, qui s’il n’est pas l’ultime technicien, sait composer des leads somptueux et mémorisables instantanément par les non-musiciens. Très peu peuvent s’en prévaloir. Mais tout Slash qu’il est, la complémentarité de son jeu avec celui d’Izzy est absolument géniale. Tout à l’instinct, les rythmiques chaloupées viennent se rendre la pareille avec le côté branleur de ceux qui ne se rendent même pas compte de ce qu’ils font. Jamais plus cette alchimie ne sera trouvée. Si vous ne me croyez pas, allez jeter une oreille à "Ghost", qui figure sur l’opus éponyme de l’homme au haut-de-forme. À défaut d’être exceptionnelle, la chanson permet aux deux acolytes de renouer le contact et de faire renaître un peu de magie.

GUNS, c’était Axl-Slash-Izzy-Duff-Steven. Point. Aucun de ses protagonistes n’a un jour retrouvé cette plénitude sans ses comparses. Car "Appetite..." parvient à marier mélodies et méchanceté, classe et crasse, dans un brûlot Hard Rock qui sent le sexe, l’alcool, la drogue et la sueur et dépasse largement ce qu’ils avaient pensé accomplir, quand tant d’autres font le chemin inverse et ont la prétention de faire bien mieux que ce que nous sommes amenés à entendre.

S’il reste encore sur cette terre des gens qui ne mettent pas 5/5 à ces débuts tonitruants, je les invite vivement à réécouter "Appetite For Destruction", ou alors à consulter un ORL. D’urgence.