Rarement un groupe aura atteint un tel niveau et fait un tel bond d'un album à l'autre.
Rares sont les groupes qui peuvent se vanter d'avoir un chef d’œuvre, mais surtout un chef d’œuvre qui a marqué sa génération.
Lorsque GOJIRA arrive avec "From Mars To Sirius" il est enfin devenu le mastodonte qu'il a toujours souhaité être, celui qui, imposant, ne souffre d'aucune comparaison, d'aucune limite.

L'artwork lui seul vient bousculer le monde. Une baleine volant près d'une planète, sur un fond crème délicat. Toute la poésie et la spiritualité d'un album en une image enfantine. Toute la philosophie d'un groupe engagé qui se sert d'un mythe ancien (celui de la régénération de la Terre) pour développer ce qui reste son meilleur album à ce jour.

Lorsque je reviens à "The Link" et que j’enchaîne avec "From Mars To Sirius" j'ai encore du mal à concevoir comment une telle évolution est possible. J'ai rarement entendu un tel bouleversement de style dans le monde musical. Si "The Link" était organique et changeait déjà face à "Terra Incognita", "From Mars To Sirius" est la fin de la chrysalide, renversante, impressionnante de maturité.

Le son est massif, travaillé dans les moindres détails (jamais le groupe ne pourra retrouver ce temps pour une production à l'avenir) et met en valeur l'esprit aérien, tellurique et néanmoins psychédélique de cette merveille. Le jeu de basse de Labadie s'est affiné et appuie avec force la batterie de Mario, notamment sur les nombreux roulements: un coup de génie qui donne un impact rarement entendu à des morceaux désormais légendaires ("The Heaviest Matter Of The Universe"). Le chant de Joe, métamorphosé, explose sur cet album, entre mélodies mémorables ("Ocean Planet") et délicatesse onirique ("From Mars").

Succession de trouvailles, "From Mars To Sirius" est un mélange entre la démonstration de puissance du GODZILLA ("Backbones") et la spiritualité tout en rythmes de "The Link" (magnifique "Where Dragons Dwell"). Il est un retour à "Terra Incognita" dans sa volonté de proposer une hétérogénéité salvatrice pour le parcours narratif ("World To Come", sublime "Unicorn"). Il est la quintessence du style de GOJIRA, un album fleuve, une histoire merveilleuse et un chemin tracé dans le monde du Metal, où nombre de groupes viendront s'engouffrer.

Il est l'un des rares albums à encore me procurer cette sensation mystérieuse de frisson dans l'échine. Le seul à pouvoir me faire encore vibrer comme un enfant émerveillé face à une Nature immense.