Hum… Je vais devoir quelque peu tempérer les louanges de mes estimés collègues et jouer les rabat-joie sur ce coup-là. Non pas que cet album soit intrinsèquement mauvais (il ne l’est pas), ni qu’il possède une dimension doublement marquante. En effet, à l’échelle du monde du Metal, "Skydancer" a contribué à créer un nouveau sous-genre, le Melodeath (made in Göteborg) en compagnie d’IN FLAMES et de AT THE GATES formant ainsi une forme de Sainte Trinité. D’autre part, au sein même de DARK TRANQUILLITY, puisque c’est le seul album du combo dont le chant principal est assuré par Anders Fridén (futur hurleur en chef d’IN FLAMES), Mikael Stanne officiant alors à la gratte pour DARK TRANQUILLITY (même s’il me semble reconnaître son timbre sur "A Bolt Of Blazing Gold" ou plus encore sur "Through The Ebony Archways", il tenait alors le micro en parallèle chez IN FLAMES, mais ceci est une autre histoire).

La consanguinité règne donc en Suède au début des années 90, et a permis de faire émerger un courant encore bien vivace de nos jours, mélange de Heavy Metal labellisé NWOBHM et de Death (principalement via le chant et des blast beats de batterie, pour simplifier) ayant fortement influencé de nombreux groupes à travers les continents. Au sein de ce trio magique, dont Sergio Leone s’est inspiré pour Le Bon, La Brute, et le Truand (fake news), DARK TRANQUILLITY assure le rôle de Clint Eastwood, plus raffiné. Je vous laisse la liberté de répartir les autres attributions, même si je pense qu’il n’y a guère de doute, AT THE GATES étant clairement le plus violent des trois.

Bref, tout cela pour dire que si DARK TRANQUILLITY est l’un de mes groupes préférés ever, que "Skydancer" est une œuvre fondatrice, que la musique s’y apprécie tant dans un registre énergique que mélodique, est-on pour autant en présence d'excellence ? Clairement pas. Je ferais le parallèle avec le "Kill ’Em All" de METALLICA. Culte, certainement. Abouti, absolument pas.

Malgré le somptueux artwork, la production n’est clairement pas au niveau, le son brouillon (limite honteux pour les guitares) ne permettant pas de restituer à sa juste valeur la qualité des musiciens. Dans son registre, Fridén crie sans émotions ni nuances (heureusement que ces voix féminines viennent apporter un peu de relief, à défaut d’être parfaitement justes). Rétrospectivement, l’ensemble sonne comme un brouillon, porteur d’espoir certes, mais une esquisse tout au mieux. Car tous les traceurs sont déjà présents, clairement : des harmonies classieuses au songwriting chiadé à tendance Prog, en passant par des phases bien énervées, des transitions acoustiques et surtout, surtout, ce sentiment de mélancolie sincère fermement chevillé aux corps, une petite touche blackisante présente en arrière-plan.

"Skydancer" est un disque mythique, c’est acquis. Pour autant, il est objectivement loin d’être à la hauteur de ce que Stanne et sa bande sont sur le point d’accomplir. Si les débuts du groupe vous intéressent, je vous invite d’ailleurs à visionner l'épatant documentaire "Out Of Nothing", disponible sur YouTube, retraçant les premiers pas fébriles mais ô combien volontaires de cette ère bénie par moi-même. J’ai dit.