Avant que l'Allemagne ne devienne ce repère de jeunes éco-anxieux aux cheveux bleus, elle était le terrain de jeux des superpuissances qui se partageaient le gâteau au sortir de la Deuxième Grande Guerre. Parmi ces mastodontes mondiaux il y avait les lourds Soviets, qui occupaient l'Est et passaient leur temps à placer des micros dans les maisons et obliger les gens à acheter des Trabant, une bagnole que même Mr. Bean refuserait de conduire.

Allez savoir pourquoi RAMMSTEIN est resté fasciné par ces années communistes. De leurs propres dires, la vie était plus simple, plus égalitaire. Il y a indéniablement quelque chose de romantique dans leur conception de cette vie passée, et elle a permis de faire éclater leur Metal Indus forgé dans les paysages brutalistes soviétiques, les industries dégueulasses étalées comme des boutons d'acné sur la campagne allemande et un imaginaire crypto-militariste apocalyptique façon post-exotisme de Volodine.

RAMMSTEIN a longtemps été un de mes groupes préférés lorsque j'ai découvert le Metal. Il était difficile de résister à sa poésie, à ses tubes militaro-gay et surtout son imaginaire visuel absolument incroyable. "Mutter" est, et reste, un album exceptionnel.

Aussi m'est-il difficile de réaliser, comme ce fut le cas déjà avec "Liebe Ist Für Alle Da", que RAMMSTEIN a finalement dérivé. Une dérive somme toute logique pour un vieux groupe communiste. Comme un Mélenchon séduit par le Parti Socialiste, RAMMSTEIN a délaissé ses délires martiaux crypto-soviets pour embrasser une esthétique à la mode. "Deutschland" est venu prouver le virage, avec son clip, certes magnifique, mais à l'imagerie bien curieuse, que je me garderai de trop commenter sous peine de faire apparaître Anne Hidalgo dans mon salon. Sous couvert de provoc' bon marché, RAMMSTEIN est devenu ce qu'il n'a jamais été dans sa tendre enfance : un groupe inoffensif. "Radio" fait peine à écouter, de même qu'une daube comme "Zeig Dich" et ses chœurs pathétiques. En fin de compte, passé "Puppe", on se fait méchamment chier, avec des tentatives ennuyantes type "Diamant" ou des riffs moisis, comme sur le misérable "Tattoo".

RAMMSTEIN ne surprend pas vraiment. On retrouve la majorité des gimmicks de nos panzers préférés, avec refrains qui scandent le titre du morceau, couplets déclamés et ballades faussement mignonnes. À ce titre, difficile de ne pas mettre en valeur "Puppe", titre fort de l'album, qui a le mérite de redonner à RAMMSTEIN un caractère agressif qui manque à cet album, via son chant possédé et son atmosphère malsaine digne d'une backroom featuring Epstein. Donc oui, certains morceaux fonctionnent, comme "Sex", simple et efficace, mais ils ne proposent rien de bien nouveau ni de transcendant. J'eus aimé davantage de folie, comme sur l'excellent "Ausländer", avec son groove ibizien génialissime, son refrain de club Afro-Trap et ses paroles absolument délicieuses.

Concluons par un peu de logique imparable. En suivant la logique de transformation opérée par RAMMSTEIN on devrait arriver à ce schéma :

Staline Mélenchon Jack Lang Anne Hidalgo

Bref, rendez-nous Joseph.