Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, rappelons qu’ANGRA est une entité double, partagée entre deux décennies, voire deux millénaires, soyons fous. D’un côté, les années 1990, pour beaucoup l’âge d’or du groupe, marquées par trois albums et l’emblématique chanteur André Matos. De l’autre, les années 2000, deux guitaristes laissés pour mort mais qui ne se laissent pas abattre, trois nouveaux albums. Une jolie symétrie, pour un groupe devenu légendaire. A présent, ANGRA se repose, reprend doucement les concerts et en a profité pour renvoyer Aquiles Priester et réintégrer Ricardo Confessori au sein de la maison-mère. Un groupe reconstitué aux trois cinquièmes après une gestation de plus de deux ans, signe d’une troisième ère à venir ? Qu’est-ce que j’en sais ? Je ne suis pas devin.

En tout cas, si je ne peux prédire l’avenir, je peux vous assurer que le vestige du passé que nous tenons là est absolument passionnant. Évidemment, il s’agit d’une démo, seul l’amateur averti est concerné, l’auditeur occasionnel trouvera davantage son bonheur du côté d’"Angels Cry", qui reprend une bonne partie des chansons ici présentes sous leur forme finale, nettement plus attirante. L’archéologue passionné d’histoire brésilienne trouvera donc cinq titres figurant sur "Angels Cry" et deux sur l’EP "Freedom Call", ainsi qu’un dernier ayant connu un sort moins enviable, "Don’t Despair". A noter également, c’est le seul enregistrement d’ANGRA où officie Marco Antunes, tout premier batteur de la formation. Il a beau être représenté dans certaines éditions d’"Angels Cry"», il n’y a pas participé, pas plus que Ricardo Confessori d’ailleurs.

Ce ne sera une surprise pour personne, cette démo respire la jeunesse et l’immaturité. Les claviers et autres arrangements symphoniques sont très présents, parfois trop. On sent qu’André Matos a tenté d’en mettre autant que possible, quitte à rendre sa soupe indigeste, et on saluera la maturation et les élagages qui ont mené les chansons à leur version finale sur "Angels Cry". L’exemple le plus criant reste l’excellent passage d’"Angels Cry" emprunté à Paganini, suivi d’un emprunt à Mozart bien évidemment amputé pour la version finale. Les erreurs de jeunesse se retrouvent également dans les paroles, rédigées dans un anglais plus qu’approximatif.

Cette insouciance constitue également la grande force de cette démo, une énergie palpable, un plaisir simple et direct de tous les instants, le tout soutenu par des musiciens jeunes mais possédant déjà le talent qui a fait leur renommée. "Reaching Horizons" pourrait se résumer à "Don’t Despair", chanson survitaminée, aussi jouissive que dénuée de professionnalisme. Ou remarquons l’idée a posteriori saugrenue de muscler le rythme de "Wuthering Heights" : la version album, plus proche de l’hymne de Kate Bush, présente un goût artistique bien plus assuré.

Un beau brouillon que ce "Reaching Horizons" qui, comme c’est souvent le cas avec un tel objet, ravira les fans et indifférera les autres. Pour finir, il existe deux versions de cette démo : l’originale de 1992 et la réédition de 1997. La seconde, bien plus facile à trouver, possède une version alternative de "Carry On" en première position et un ordre des pistes modifié pour d’obscures raisons.