Pas de changement stylistique radical sur cette troisième production de PRIMORDIAL qui s'attache à développer les éléments qui faisaient le caractère de "A Journey's End". Le retour vers un peu plus de hargne, c'est pour l'album suivant.

Et une nouvelle fois, la star c'est Naihmass Nemtheanga. Quatre acolytes soudés, sûrs de leur affaire, socle solide pour laisser se développer le talent d'un chanteur au charisme vocal qui en fait aujourd'hui, sans que tout le monde s'en rende parfaitement compte, un des vocalistes les plus réputés du metal…. Extrême ? Du metal sous son acception la plus large et c'est bien en plantant très tôt sa tente dans le champ des généralistes que le bel Irlandais est devenu immense. PRIMORDIAL n'avait pas sa place dans le monde de l'underground black. Les épaules trop larges, une maturité d'une précocité ahurissante, le groupe ne gribouille pas ses états d'âme, il vit très bien ses envies de professionnalisme.

Un professionnalisme que l'underground osera peut-être lui reprocher, c'est d'ailleurs là notre seule véritable matière à critique. Jouant la carte du savoir plaire, l'artiste amortit volontairement ses impulsions pour proposer un ouvrage qui touche à la perfection sonore, technique et musicale, naturellement lisse et exempte du moindre accroc, juste rugueuse comme on le demande. Et c'est sur "Spirit The Earth Aflame" que PRIMORDIAL atteint le sommet sur lequel il continue de surfer depuis déjà quatre albums. Du métal épique treize à la douzaine qui nous conte les légendes celtes avec souffle et volonté belliqueuse.

Et cette récitation prend une allure de livre aux premières pages imprimées avec noblesse, un prologue lu par Naihmass, suffisamment sobre pour ne pas tomber dans les excès de nombre d'acteurs du symphonique. Un livre au texte grandi par l'étonnant chapitre maritime, bijou de traversée héroïque. "The Cruel Sea", périple calme d'une profondeur inouïe durant lequel une guitare livre son office empreint de tradition ancienne, verdoyante et pluvieuse à flanc de falaise. Un chapitre qui ouvre sur un hymne conquérant qui se met en place au fil de longues minutes, et Naihmass retrouve sa gorge noire pour narrer la suite du récit.

Un récit, je tiens là le nœud de ma chronique. Un récit comme tant d'autres ont pu tenter d'en écrire avec une ambition trop souvent démesurée. En première ligne des tirs d'accusation, les dragonoïdes italiens, suivis par d'autres, adeptes de la boursouflure, du grandiloquent qui tourne au grand-guignolesque qui tourne au guignol qui tourne à la farce.
"Spirit The Earth Aflame" n'est pas une farce, ne souffre d'aucune boursouflure. Pas de grandiloquence non plus, de la grandeur. Un récit qui mêle vaillance, armes et larmes dans une littérature parfaite, premier grand chapitre d'une saga grandiose qui continue encore à s'écrire aujourd'hui encore.

"Spirit The Earth Aflame", "Storm Before Calm", "The Gathering Wilderness", To The Nameless Dead", épopée sublime dont le génie fait accéder son auteur au rang d'immense, épopée dont les temps les plus faibles résident en de premiers albums qu'on qualifiera juste de prolégomènes intéressants, épopée dont les temps les plus forts sont en nombre tellement impressionnant qu'on se demande si PRIMORDIAL n'est pas en train de devenir totalement invincible.