Nous sommes en l'an 2000 et voici maintenant plusieurs années que Marilyn Manson est devenu une star internationale. Un goût de la provocation prononcé, un culte de l'ambiguité au travers de clips étranges diffusés à gogo sur MTV renforcent l'impact du groupe auprès de la jeune génération, et personne n'ignore plus un band qui est devenu un véritable phénomène de société. Et bien, moi qui jouait au metal warrior et qui n'avais jamais voulu entendre parler de Manson, j'ai dû me rendre à l'évidence : il fallait me forcer à en écouter, à intégrer cette donnée et me soumettre l'espace d'une écoute à la musique du Révérend. Peut-être que je détesterais, peut-être que j'aimerais.

C'est par hasard que je suis tombé en décembre 2002 sur une émission spéciale, et je me suis laissé entraîner dans ces clips étranges, ce monde imagé et pourtant si réel où l'impact de l'image n'a d'égal que le machiavélisme de son concepteur. Et j'ai beaucoup aimé. Aussi me suis-je risqué à m'acheter un album, mon premier album du groupe, qui n'est autre que ce Holy Wood. Derrière cette iconographie macabrement religieuse se cache pour moi le meilleur disque de Manson. Un album sombre, pessimiste, où chaque titre est le véritable stigmate d'une révolte contenue sur certains passages et qui explose sur d'autres. Où les morceaux de cette pièce sont des plaies suintantes de sang, celles qu'une Amérique cruelle et ultra-conservatrice inflige à ses enfants. Et Marilyn Manson avec tout le talent qu'on lui connaît met ces blessures à vif. Qu'ils soient plus calmes, sombres, mélancoliques voire morbides ("The Love Song", "Target Audience (Narcissus Narcosis)", "In The Shadow Of The Valley Of Death", "A Place In The Dirt" ...), ou survoltés et révoltés ("The Fight Song" ou l'hymne "Disposable Teens" qui rappelle un certain "The Beautiful People"), les extraits de ce disque sont tous intenses, bons et beaux. Et cette voix qui appelle à la révolte, qui pleure sur un monde en train de se décomposer inéluctablement. Un certain fatalisme d'ailleurs de mise, et un constat s'impose devant nos yeux impuissants : "Nothing's Gonna Change The World" (extrait du superbe "Lamb Of God").

Cet album est un must, et en totale décalage avec le côté pop-Rock/glam-metal acidulé de Mechanical Animals (1998). Le groupe opère plutôt un retour vers les ambiances et le combat d'Antichrist Superstar (1996) mais en musicallement plus pop/metal sombre qu'électro. Les guitares sont ici bien plus en avant. C'est d'ailleurs une des forces du groupe de sortir des albums aux climats variés et de pointer le doigt sur des aspects différents du monde moderne, un monde qui n'est pas toujours très drôle. Marilyn Manson arrive ainsi à se renouveler tout en restant lui-même. Pour les fans de metal qui veulent essayer d'écouter Marilyn Manson, c'est avec ce disque-ci qu'il faut commencer. C'est ce que j'ai fait, ce qui m'a permis de faire exploser certains préjugés et je ne le regrette pas. Un must !