N’en déplaise aux pisse-vinaigres de tous bords, le BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB m’a toujours fasciné par sa capacité à allier éther et plomb. Ce Garage Rock craspec, mêlé à un son profondément Shoegaze et à des mélodies aériennes n’a que bien peu d’équivalents dans notre univers musical. Et "Baby 81" est sans doute leur meilleur opus (en tout cas mon favori), tant il combine à merveille ces différentes facettes, quand bien même il aurait tendance à allonger à outrance la sauce.

Des débuts bruts et graisseux, subsiste l’essence même. Mais "Howl" est passé par là, concentrant la volonté du combo californien de s’essayer à pousser le curseur Folk un cran plus loin, délaissant les aspects bruitistes le temps d’un album inachevé, mais ô combien essentiel dans la construction du son BRMC. Quand bien même l’opus s’avérait frustrant, il a indubitablement participé à façonner le son de la formation, l’enrichissant de ses influences américaines, qui trouve ici une forme de plénitude et de maîtrise sur ce quatrième LP, paru en en 2007.

BRMC rebranche pour l’occasion les amplis, se nourrit de ses expérimentations autant que de ses racines, pour mieux nous délivrer un disque tout en contrôle. Nick Jago étant sorti de ses diverses cures de désintox, il participe pleinement à la confection de ce "Baby 81", qui constitue encore de nos jours de sommet de la carrière du gang de loubards désabusés. Les influences old-school sont pour le coup parfaitement digérées et délivrées à travers le prisme de la signature sonore labellisée BRMC, faite de larsens, de frappes au fond du temps, de complémentarité basse-guitare, tant au niveau du jeu, des harmonies que des effets, le plus généralement généreusement fuzzés, voire légèrement dissonants.

Le débat quant à la légitimité de la présence du combo sur NIME ne m’émeut guère : le groupe est mille fois plus sincère dans sa démarche que tant de formations chroniquées ici, j’évacuerai immédiatement la potentielle discussion. Après tout, c’est moi qui écris. Le trio d’ouverture donnera le ton d’emblée, vous saisissant de tout son flegme, sa nonchalance déterminée, à l’image d’un "Berlin" lancé comme un train à grande vitesse, à la fois précis et baveux par ses guitares incontrôlables, instinctives et saisissantes, au potentiel sexy en diable parfaitement assumé. Le duo Hayes/Bean évolue au sommet de son art, d’une complémentarité folle, s’échangeant les lignes mélodiques sans que l’égo de l’un ne vienne empiéter sur celui de l’autre, pendant que Jago bat la mesure, insufflant juste ce qu’il faut de twists discrets (cette charley…) pour venir enrichir le rendu de la composition.

Quant à "Wheapon Of Choice", elle concentre l’âme du BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB en un seul morceau. Si parmi les lecteurs subsiste un néophyte, je ne peux que lui conseiller cette chanson pour découvrir toutes les facettes d’un groupe fascinant, qui sait explorer tout en se montrant concentré sur l’efficacité d’une écriture au cordeau. La structure ultra-carrée des compositions ne constitue qu’un prétexte pour improviser, laisser glisser ses doigts sur les cordes à l’instinct, fort d’une culture musicale qui balaie les différents horizons des décennies de pratique outre-Atlantique, sans se retourner.

Si "Take Them On, On Your Own" ou "B.R.M.C." se montraient également pertinents, l’aspect monolithique des disques pouvait rebuter plus d’un auditeur. "Howl" calmait le jeu, s’essayant à un exercice aux antipodes de l’identité préalablement présentée. "Baby 81" effectue la synthèse de ce caractère indomptable, qui n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour toucher sa cible. Le lancinant "666 Conducer", peut-être la chanson la plus « Metal » dans l’esprit jamais composée par Robert Levon Bean et Peter Hayes est une nouvelle éclatante démonstration. Sa longue déclinaison live est un pur délice tandis que la version studio s’achève bien trop tôt, tant le riff de basse pourrait durer dix minutes de plus que cela ne gênerait personne.

Alors, oui, BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB se fait plaisir sur plus d’une heure, quatorze pistes au compteur. Sans doute qu’il y en a trois ou quatre de dispensables, mais je vous garantis qu’il n’y en a aucune de mauvaise et que "Baby 81" se tient de la première à la dernière seconde, quand bien même l’intensité distordue baisserait d’un cran à mi-parcours. Reste à profiter d’un univers singulier, intègre au possible, symbole d’une Amérique paumée, à la recherche de son identité, la superbe "Windows" en étant la parfaite illustration.

Si BRMC avait su concentrer son effort sur 45 minutes, peu ou prou, nul doute que celui-ci serait passé à la postérité des galettes mythiques. Mais la malédiction de la relative confidentialité continuera de s’abattre sur les Californiens, malgré une discographie au-delà de tout soupçon, sur la durée d’une carrière de 25 ans.

S’il ne devait donc en rester qu’un pour moi, ce serait ce "Baby 81", synthèse certes un brin trop propre d’univers Garage, Shoegaze, Metal, Pop, & Folk, le tout au service des émotions.

Note réelle : 4,5/5.