Haley Giraldo naît le 16 février 1985. À partir de ce moment, la vie du couple Benatar/Giraldo change inévitablement. Le plus gros problème, outre les insécurités de la jeune maman, est qu'elle n'a absolument pas la tête au boulot. Et pour la tenue d'une carrière alors très florissante, ce n'est pas une bonne nouvelle… surtout quand de surcroît l'un des deux associés à la tête de Chrysalis, Terry Ellis, décide de revendre ses parts à son associé Chris Wight responsable de la branche anglaise et internationale du label. Terry, c'est celui qui a repéré la petite Patricia Andrzejewski en 1979, mais qui a aussi lancé BLONDIE, Billy IDOL ou encore co-produit plusieurs albums de JETHRO TULL dont le célèbre "Aqualung". C'est ainsi le plus gros atout business de Pat BENATAR qui s'en va.

La conséquence la plus directe est la panique au sein d'un label qui tangue un peu au tournant de la décennie, et il est hors de question que Pat BENATAR, sa poule aux œufs d'or, lui fasse faux-bond. Hors de question ne serait-ce que de mentionner le bébé ou de se montrer en photo avec. C'est un crève-cœur pour Pat et Neil, très famille, qui saisissent ainsi l'opportunité d'enregistrer un seul titre, écrit par Holly Knight, déjà co-auteure du succès planétaire "Love Is A Battlefield". Ce nouveau beau succès pour Pat BENATAR excite l'appétit du label qui presse le groupe d'entrer en studio et de donner avant la fin de l'année un successeur à "Tropico".

Mais le groupe n'est absolument pas prêt à enregistrer un nouvel album. Il ne dispose clairement pas d'assez de titres, et même avec le concours de compositeurs extérieurs (tendance assez typique de l'époque, cf. KISS) accouche péniblement de huit titres dont une reprise, auxquels est ajouté le single récent "Invincible" renforçant le potentiel commercial de l'album. Pat est dérangée en permanence, non pas cette fois par les nausées mais par les pleurs de sa fille et la nécessité d'être présente pour allaiter, ce qui est compliqué quand vous cherchez à capturer une intention qui va ensuite rester gravée pour la postérité. Ainsi le groupe avance à marche forcée, la frustration chevillée au corps, en particulier du côté de Neil qui doit rendre une copie inaboutie.

Mais au final, "Seven The Hard Way" est étonnamment bon ! Il est même très solide, son menu frugal le rend efficace, sa production stéroïdée par six studios et une armée de techniciens (et de choristes) marque son époque mais est particulièrement appréciable, et Pat y chante divinement, de façon plus nerveuse que sur le trop relax "Tropico". L'ouverture avec "Sex As A Weapon" donne le ton, avec des guitares hurlantes de Neil Giraldo. "Le Bel Age" s'impose comme mid-tempo Pop Rock au refrain marquant, à la façon d'un "Fire And Ice". Le tempo enlevé à la "Footloose" de "Big Life" fait bien le taf malgré une Pat qu'on a connu plus investie. Mais elle nous fait mentir l'instant d'après avec l'excellent "Red Vision" où elle replace même du texte parlé comme sur "Love Is A Battlefield". "Invincible" figure bien sûr en bonne place au niveau des cartons c'est évident, ainsi qu'une reprise une nouvelle fois réussie, mais il faut dire que le groupe a toujours excellé dans l'exercice.

Pat BENATAR a détesté travailler sur "Seven The Hard Way" et pourtant elle y brille de mille feux, avec une maîtrise encore plus flagrante. On a l'impression que sa voix s'est épaissie avec la maternité ; sur "7 Rooms Of Gloom" c'est une masterclass. Mais d'un point de vue écriture il faut bien reconnaître que si la patte très Rock avec batterie qui fracasse (gros boulot de Myron Grombacher) et guitares saturées fait la force de "Seven The Hard Way", parmi les quelques compositions de la paire Giraldo/Grombacher, on retrouve parfois les volontés d'émancipation de "Tropico" (sur "Walking In The Underground" notamment), et le dernier titre "The Art Of Letting Go", qui pourrait résumer l'état d'esprit de Pat Benatar par rapport aux pressions subies pour réaliser cet album ; la tigresse ne s'est jamais privée d'exprimer ce qu'elle ressent en mode franc-tireur dans ses textes.

La tournée sera infernale pour Pat, qui devra gérer sa fille en même temps que les concerts. Si la petite Haley est vite facile à gérer en tournée, l'allègement obligatoire des interviews et autres actions promotionnelles de la part de la divine vocaliste finira par avoir, associé à la mutation du label, un impact sur les ventes de l'album, le premier depuis "Crimes Of Passion" à ne pas passer le million d'exemplaires. Et pour la première fois depuis qu'elle est nommée aux Grammy Awards, Pat perdra sa couronne au profit de Tina Turner, après ne pas avoir pu se présenter l'année précédente car "We Belong" était sorti trop tard. Mais Pat relativise, et se moque bien d'une nouvelle récompense, car elle a désormais d'autres priorités.