C'est une période particulière qui voit émerger ce qui sera le réceptacle à la fois du plus gros succès single de Pat BENATAR et de son premier album live. En effet, nous parlons d'un moment où le succès est important pour les artistes américains, l'adoucissement sonore créé par le départ de Scott Sheets et l'arrivée de Charlie Giordano aidant à cette démocratisation du son que "Get Nervous" a entériné.

"Live From Earth" est le fruit d'enregistrements captés sur la tournée de promotion de "Get Nervous". Le planning insensé imposé par Chrysalis voulait qu'un nouvel album sorte en 1983, n'interrompant pas le rythme d'un disque par an. Cette cadence, qui a déjà coûté une séparation au couple Benatar/Giraldo, est totalement contraire à toute forme d'évolution artistique, fortement souhaitée par le groupe, qui ne veut pas revivre le cauchemar de '81. C'est encore une fois Pat qui va s'imposer et les deux parties trouveront un arrangement en publiant un Live tiré de la tournée qui s'est, dit-on, jouée à guichets fermés. Je n'ai pas trouvé d'informations permettant d'en attester mais admettons. Mais pour faire bonne mesure, le groupe y inclura tout de même deux nouveaux titres pour contenter le label, toujours occupé à maintenir le public en haleine.

Cette tournée est la première dans cette configuration, c’est-à-dire avec Charlie Giordano derrière les claviers et cela va avoir une incidence sur les arrangements ; une petite déception pour mon cœur de Hardos qui, à cet égard préfère écouter le "Live At Reunion Arena" ou le "Live At The Electric Ladyland". Pourtant, avec quatre albums au compteur, et un joli chapelet de tubes dans son sillage, le témoignage a du potentiel. Et pourtant il va déjà falloir faire avec le format. "Live From Earth" est un simple, contenant huit titres live en sus des deux studio. Ce qui présente néanmoins un avantage : si je ne suis pas fan du son très axé claviers de cette époque, et que plusieurs excellents titres (à commencer par "Shadows Of The Night) se font remarquer par une incompréhensible absence, c'est l'enfilade de tubes. L'ancien découpage du vinyle a cependant traversé les années, et le fondu au noir après "Hell Is For Children" fait un peu cahoter la sensation d'immersion.

De ce point de vue d'ailleurs, la version vidéo de ce concert, captée par HBO et sortie sous le titre "Live In New Haven" est plus roborative, avec un "Anxiety" qui fait progressivement monter la sauce et une superbe version de "Shadows Of The Night". Pourtant, si Pat monte en puissance tout au long du concert, le jeu de scène très simple et centré sur l'interprétation de Pat contraste avec celui de Spyder et Myron Grombacher, déchaînés. De ce point de vue-là, "Live From Earth" ne souffre pas tant de l'absence de l'image, et le fait d'avoir réorganisé la tracklist permet d'avoir une Pat bien chaude et engagée sur la longueur. Et puis attaquer la face B par "Hit Me With Your Best Shot" ça a de la gueule il faut bien le dire. Le témoignage que constitue ce disque contractuel apparaît déjà comme un marqueur d'un moment, mais il n'aura jamais l'aura des grands Lives des années 80, et il n'en a d'ailleurs aucunement la prétention. Il en ressort néanmoins que Pat BENATAR, c'est une équipe live soudée, qui n'hésite pas à bousculer ses arrangements (solo de batterie en introduction de "I Want Out", introduction rallongée au clavier pour "Hell Is For Children"), avec une chanteuse juste à la pointe la perfection. Celle qui s'inspirait de Grace Slick et Janis Joplin mais qui voulait être Robert Plant, en plus d'affirmer son caractère en coulisses, affiche sur scène son niveau vocal exceptionnel (sortir "We Live For Love" de cette façon c'est impressionnant, on croirait entendre la version album).

Et viennent les deux titres studio. Alors "Lipstick Lies" reste anecdotique, avec ses arrangements pompeux qui semblent lorgner du côté du Bonnie TYLER parrainé par Jim Steinman, mais montre un groupe dont la musique s'écarte de plus en plus du chemin balisé de ses premiers disques. Quant à "Love Is A Battlefield", il sort en single un mois avant "Live From Earth" et va devenir le plus gros succès de la carrière de Pat. Et il mérite une chronique à lui seul.