L'anxiété. Voilà ce qui caractérise la conception de "Get Nervous". Pat BENATAR souhaite prendre le contrôle de son image et élargir ses horizons musicaux. Ainsi, après quatre albums en quatre ans, le groupe trouve la feinte et va produire son premier enregistrement live. Mais pour aller dans le sens de Chrysalis, Pat et Neil acceptent de travailler sur un nouveau titre qui permettra de proposer au public du nouveau matériel.

C'est ainsi que les deux songwriters vont collaborer avec une nouvelle auteure : Holly Knight. Pas tout à fait une inconnue puisqu'elle a plusieurs fois co-écrit avec un habitué du cercle BENATAR : Mike Chapman. Le producteur, derrière une palanquée de hits de la décennie précédente (un peu le Desmond Child des seventies) change d'acolyte d'écriture et convainc la jeune artiste, qui a joué des claviers sur le "Unmasked" de KISS (sans être créditée bien entendu), de le rejoindre à L.A. Et c'est ensemble qu'ils composent "Love Is A Battlefield" une balladounette avec une mélodie 'feelgood' assez inoffensive.

Mais Neil Giraldo a une idée derrière la tête. Lui, le défenseur du son organique et analogique, se met à expérimenter avec une boîte à rythme donnant un tempo enlevé qu'on n'attendrait pas au départ. Et d'ailleurs il va pousser le concept encore plus loin en présentant l'idée du morceau aux musiciens en leur faisant écouter cette boucle et en leur dictant les changements d'accord, tout en leur demandant de ne pas trop réfléchir à leurs arrangements. Sans trop comprendre ils s'exécutent, et à force d'essais finissent par trouver une certaine alchimie. Et même Pat, pourtant sur la réserve, finit, une nouvelle fois, par constater que son cher et tendre avait raison. Et bravo à Roger Capps qui va trouver comment faire groover cette boîte à rythmes.

Il en va de même depuis que ces deux-là se sont rencontrés. Et "Love Is A Battlefield" est complètement bâtard sur le papier, avec son côté presque Disco Pop impulsé par la boîte à rythmes et les synthés (Charlie Giordano prend clairement les avant-postes). Et Pat !?! La brunette tape le spoken word sur la première partie du morceau, avant d'ouvrir les vannes et de nous régaler sur ce texte bien plus subtil qu'il n'y paraît, parlant de relations toxiques, de la difficulté de gérer les rapports familiaux, même si on y décèle aussi en filigrane la souffrance des femmes dominées par leur conjoint, mais ça c'est aussi parce qu'on connaît le combat féministe de Pat Benatar, qui à cette période se débat entre l'objectisation dont elle se fait la complice pour parvenir à mener sa carrière et ses convictions. Et nous verrons que les années suivantes vont envenimer la situation.

Je n'ai jamais été un grand adepte de "Love Is A Battlefield" (je lui préfère "We Belong" dans le genre), mais les chiffres sont formels : nous tenons là le plus gros hit de la carrière de Pat BENATAR, qui met en orbite le "Live From Earth" qui devait sortir un mois plus tard. Un succès planétaire remis au goût du jour par la saison 2 de Stranger Things, qui remettra plus tard le "Running Up That Hill" de Kate BUSH en tête des hit-parades. Le salut de l'innovation artistique et de la créativité serait-il, au milieu des années 80 devenu l'apanage des chanteuses de Rock ? Je ne sais pas, mais parlez-en à Holly Knight qui allait bientôt servir "Invincible" à Pat BENATAR puis "The Best" à Bonnie TYLER et Tina TURNER, puis bien plus tard nous produire un des thèmes de violoncelle les plus mémorables du petit écran avec le thème de la série Angel (spin-of de Buffy Contre Les Vampires).