Je ne connais pas de groupe sur lequel la pandémie a eu un effet aussi positif. C'est radical, depuis la tournée de promotion de "The Atlantic", EVERGREY non content de tourner plus que jamais, sort du nouveau matériel tous les ans. Oui car outre la compilation "From Dark Discoveries To Heartless Portraits" qui nous intéresse aujourd'hui et "Live: Before The Aftermath", le groupe a dans l'intervalle sorti deux nouveaux albums, et à l'heure où sort ce disque célébrant les trente ans du groupe (d'où ce titre faisant écho à ceux des premiers et derniers opus), il a déjà terminé le prochain… On peut donc d'ores et déjà attendre un nouvel album pour cette année 2024.

Les Suédois, avec leur activité plus intense que d'ordinaire, se sont donc retrouvés avec deux albums à défendre sur les planches, et même si la sortie d'un nouveau Live aurait pu être pour le moins prématurée (surtout qu'EVERGREY a toujours bien soigné ses sorties du genre), elle aurait pu se justifier. Non ce qui intéressait visiblement les Suédois, c'était d'occuper le terrain en proposant du contenu inédit. Alors à prendre avec de grosses pincettes, car en réalité, si vous avez suivi la discographie studio du groupe, vous ne découvrirez aucun nouveau titre. Et pour un disque-anniversaire, il est ostensiblement orienté vers du matériel post 2019. Il n'y a que du côté des extraits live proposés en début d'album qu'on arrive à remonter un peu dans le passé. Et encore… Si je me réjouis que le groupe ait réintroduit de manière quasi permanente "Recreation Day", pour un trio final absolument imbattable entouré qu'il est par "A Touch Of Blessing" et "King Of Errors", ça fait peu à se mettre sous la dent. Et en cela le Live de 2022 est une bien meilleure rétrospective, puisque bien plus d'albums de la bande y sont représentés… sans compter qu'avec son titre, on s'attendait à au moins trouver une trace de "The Dark Discovery", mais voilà, le seul document inédit jusqu'ici restera donc ce "Closed Eyes" chanté par le premier vocaliste du groupe sorti sur la réédition AFM. Et c'est peut-être de là que vient le problème. La plus grande partie des droits sur le catalogue d'EVERGREY est encore détenue par son label historique AFM qu'il a quitté à la surprise de beaucoup en 2022.

Les extraits live ne présentent grand intérêt que pour la présence de "Where August Mourns" ("Escape Of The Phoenix") et "Call Out The Dark" ("Heartless Portraits: The Orphean Testament"). Les autres extraits existent déjà dans des versions récentes jouées par ce line-up (inamovible depuis 2015 et sans doute pour un bon moment), et à la rigueur, c'est sympa d'avoir "A Touch Of Blessing" sans sa longue intro du "Live: Before The Aftermath"), et pour nous Français, le rappel par Tom Englund de ce Live acoustique enregistré à Lyon sur la tournée "Inner Circle" en préambule à "Recreation Day" dont la performance me semble meilleure que sur le Live de 2022.

La seconde partie de cette compilation est bien plus intéressante, car elle propose quatre titres du dernier album réarrangés pour piano et voix par Rikard Zander et Tom Englund. On y retrouve un Tom Englund à fleur de peau, tout en sensibilité, très proche forcément de ce qu'il fait déjà avec SILENT SKIES (en compagnie de son acolyte de REDEMPTION Vikram Shankar), qui n'hésite pas à moduler ses lignes vocales pour coller aux arrangements, à cet égard "Midwinter Calls" prend vraiment une autre couleur, et encore plus "Blindfolded". "Call Out The Dark", nouveau classique un peu auto-proclamé (on le retrouve pas moins de trois fois sur "From Dark Discoveries To Heartless Portraits") démontre par contre que le morceau a très bien pu être pensé de cette manière très épurée, et c'est même encore plus flagrant sur "Save Us" qui avait un vrai potentiel de ballade à la "I'm Sorry" et dont le hook que le groupe a fait enregistrer à ses fans reste tout aussi aride et dominant avec le seul piano. Je dois dire que c'est la partie de l'album qui m'a le plus intéressé en tant que musicien, mais aussi qui m'a le plus connecté à l'expression artistique d'EVERGREY. La sérénité qui se dégage de ces quatre nouvelles versions fait vraiment du bien.

Et pour finir, le groupe a sorti de son studio quelques démos histoire de proposer un petit plus à cette sortie qui a tout de l'objet à seule destination des fans. Mais j'avoue que j'aurais bien aimé pouvoir mettre la main sur l'édition très limitée qui proposait un livre de 112 pages revenant sur l'histoire du groupe, et dont le CD n'aurait été qu'un petit support d'accompagnement. Car si ces démos permettent en partie de rentrer dans le processus d'écriture du groupe, elles ne vous apporteront pas grand-chose, et même si on observe bien sûr de petites différences entre les versions abouties et celles-ci, ça ne vous avancera pas à grand-chose. Le seul attrait que j'y trouve, c'est d'avoir un playback déjà fait pour jouer les solos de guitare de "A Silent Arc". Vous l'aurez compris, une sortie mineure, qui me rend un peu plus pessimiste sur l'état de la société de consommation et la tendance de plus en plus visible des formations à sortir du contenu régulièrement pour continuer à exister pour un marché de zappeurs perdus dans la masse de trucs qui leur sont vendus à coups de pubs, ou de recommandations d'écoute.