Désormais, chaque fois que Steven WILSON sort un nouvel album, j'en retarde malgré moi l'écoute, car la peur d'être déçu en plus d'être perdu est palpable. Cette fois-ci peut-être même un peu plus que d'ordinaire, le pape du Progressif ayant vu "The Future Bites" marquer le pas, et PORCUPINE TREE revenir d'entre les zombies. "The Harmony Codex" c'est presque pour ainsi dire le disque pour essayer de décoder son créateur puisqu'il va non seulement proposer quelques nouveautés, mais surtout revisiter un peu toutes les couleurs abordées depuis la sortie de "Insurgentes" en 2011.

Bien entendu, après la Popitude de l'album précédent, c'est le Rock Progressif qui revient en grande pompe. Ou plutôt le Progressif tout court. "Inclination" développe son atmosphère à coups de percussions limite Jungle et de claviers ambiants du plus bel effet… On se demande ce qu'il se passe durant les trois premières minutes, puis la voix de Steven surgit du néant (littéralement), a cappella, dans sa cape de réverbération, avant que son piano n'assoie l'harmonie. Au bout de ce premier morceau, on a déjà compris qu'il faudra se poser pour profiter et apprécier totalement l'expérience "The Harmony Codex".

Le voyage est total, chaque piste tranchant singulièrement avec la précédente. Le "Rock Bottom" composé par Ninet Tayeb vient convoquer le sommet "To The Bone", là où "Economies Of Scale" co-écrit par Steven et Adam Holzman rappelle l'album de 2020, mais pas autant que "Time Is Running Out". "Impossible Tightrope" nous replonge entier dans "Grace For Drowning" avec ses improvisations. Et même si les couleurs me semblent plus oniriques que d'ordinaire, la pièce-titre rappelle la profondeur de "The Raven That Refused To Sing". Et que dire de "Staircase", l'aboutissement final de ce voyage qui rappelle les plus belles plages de PORCUPINE TREE.

Jouant avec les timbres, les tempi (toujours très mesurés), et les textures, Steven WILSON agit sur l'auditeur tel un gourou, nous faisant un exposé sur comment faire une musique dont le Progressif est l'essence même tout en ne se moquant jamais de l'auditeur par autosatisfaction. Steven ne joue pas avec nous ou nos oreilles, il parle à nos sens, et de cette manière il aura délivré avec "The Harmony Codex" une œuvre bigarrée, bien que d'une confondante cohérence d'ensemble. Quand on s'intéresse un peu aux crédits, et sur les conditions de création et d'enregistrement de cet album, on observe bien que chaque titre est une œuvre d'art à part entière, ce qui ne veut pas dire pour autant que tout est parfait et distrayant.

C'est ainsi, comme à son habitude clairement l'album d'un moment de créativité que partage Steven WILSON avec les mélomanes du monde entier (l'album, sorti en septembre 2023, s'est bien classé dans de nombreux pays). Et cet élan synthétisé sur "The Harmony Codex" me fait une nouvelle fois réfléchir sur ce qui fait un créateur, au-delà de l'artisanat plus ou moins habile qui tend à nous enfermer dans des carcans, des schémas bien connus. L'année 2023 aura été remplie de ces albums d'artistes compétents, mais qui auront sciemment ou non limité leur créativité (ou alors montré les limites de la leur, mais c'est autre chose).

Sur ce je vous laisse sur la mélopée façon VANGELIS qui écrit pour l'Espace constitué par la pièce-titre, retrouvant ma quiétude et le dialogue avec mon moi profond. Le genre d'album impossible à noter.