Non, Roman Saenko n'est pas mort ! L'Ukrainien continue de survivre dans sa terre natale, dont les droits sont toujours autant foulés aux pieds par l'impavide mère patrie voisine. Une situation qui nécessitera des siècles pour effacer les diverses erreurs commises de part et d'autre. Comme pour tous les principaux problèmes géopolitiques de par le monde, il n'y a ici que complexité et incompréhension réciproque. Alors cette pochette blafarde ? Quid ? Nous avons quitté le rude sol de la nation slave pour une ruelle sombre éclairée d'un quartier de lune qui rappelle plus les œuvres complètes d'M le Maudit que les poèmes de Tchevchenko ! L’œuvre est immonde en tout cas et ne rassurera pas ceux qui voient en DRUDKH un des parangons des thèmes nazillons.

Pourtant, la puissance dévastatrice de DRUKH est à l’œuvre dès le titre "The Roofs Have A Rusty Colossus", les rythmiques sont en mode rouleau compresseur, rien ne les arrêtera, comme si l'herbe n'avait aucune chance de repousser après le passage d'une telle puissance. C'est la signature des Ukrainiens cette inéluctabilité dans la progression, toujours constatée depuis leurs débuts. Roman est décidément l'Attila du Metal. On retrouve l'éternelle lancinance des thèmes slaves avec "The sky Is Covered With A Stormy Roof", quelques notes répétées à l'infini sur un paysage grisâtre de champs et de bosquets sombres. La composition n'est pas des plus mémorables et il faut attendre le superbe break pour retrouver toute la superbe du grand DRUDKH, sur trois ou quatre notes évidemment.

C'est très onirique sur "Beyond Dawn With An Arrow Shining" et presque doux par instants nonobstant la puissance dévastatrice de la chevauchée. Mais la magie opère, les multiples breaks et digressions opérés dans la musique de Roman trouvent toujours une voie vers l'excellence, c'est bluffant... Ainsi si le titre met du temps à se mettre en branle les premiers arrangements complexes nantis de chœurs s'élèvent à compter de la cinquième minute, les rythmiques Drone prennent le pas sur toute autre considération, et même si le chant hurlé de Roman Blahykk n'est pas le plus percutant – n'est pas Silenius qui veut ! - le résultat est comme le plus souvent apocalyptique. Le riff fantomatique du bridge est toute à la gloire de sa terre !

Oui-da, la rythmique est hypnotique sur "Evening Twilight Shrouds The Rooms", mais la composition manque d'une certaine cohésion pour réellement nous emporter, ok, le break reste bien glorieux. On en termine sur "Blissful Day Tired And Dead", dont je trouve la structure carrément bordélique, pour ne pas dire brouillonne. Alors oui, ça tremble, ça bouillonne, ça tourbillonne même mais l'aspect primaire trop « raw » m'éloigne des éléments chers au groupe ukrainien. Le break marteau pilon fait son effet mais manque aussi d'une certaine variation.

Bon cinq titres, c'est pas le nirvana, voila une certitude, même si le plus court dure huit minutes... Mais le moins qu'on puisse dire est que Saenko ne s'est jamais embarrassé du moindre détail. Il avance, tel le satanas ex machina de notre musique, peu lui importe les courants, les modes, il n'a de considérations qu'artistiques et sociales. Et tant que l'Ukraine sera le dominion du géant russe, son art sera là pour établir la réalité tangible de la situation vécue par les Ukrainiens. Ça se défend ! Cette fois cependant, notre chantre ukrainien n'a pas créé l'album de l'année, tout ceci est certes honnête, mais on reste dans le ventre mou de la discographie de DRUDKH.