Ace Frehley est un homme complexe. Considéré comme une légende et dans le même temps tricard depuis des lustres de par son amour immodéré pour l’alcool et certaines drogues. Personne n’est parfait… Une réputation est comme une rumeur, une plaie dont on a du mal à se détacher, et il en a fait les frais plus souvent qu’à son tour…
Figure légendaire du KISS de la grande époque, fier descendant des NEW YORK DOLLS et consorts, il est un guitariste de grand talent, très polyvalent et son jeu de guitare est reconnaissable entre mille. Personnage haut en couleurs aux élucubrations aussi longues que Sunset Boulevard, sa carrière a souffert de son style de vie quelque peu extrême, quand bien même son inspiration elle, est restée intacte.

Depuis son retour en fanfare et en grande forme en 2008 avec un "Anomaly" de très bonne facture où il nous offrait un florilège condensé de son talent, le New-yorkais n’a eu de cesse de confirmer par la scène que celui-ci n’était pas fortuit. Ace est sobre désormais et cela s’entend ! Sa voix n’a rien perdu de sa superbe, celle-ci est d’ailleurs proche de celle de Paul Stanley. Son jeu quant à lui a retrouvé sa flamboyance des grands jours, porté par ce son « Gibsonien » si caractéristique et emblématique de notre astronaute préféré. Le batteur Matt Starr et le bassiste Chris Wise ne sont pas des amateurs mais restent anecdotiques.

Quatre ans entre deux albums tient du miracle pour ce miraculé du Rock ! Alors, confirmation pour un retour gagnant ? On peut le dire tant "Space Invader" regorge de qualités. Tout le monde sait que sa contribution au sein du « BISOU » des premières années doit beaucoup au succès populaire du groupe, de par son jeu de guitare si personnel et également son caractère instable qui a toujours dépareillé d’avec ceux plus calculateurs (c’est le moins que l’on puisse dire !) de Simmons et Stanley. Quoiqu’on en pense ou qu’on en dise, tous les quatre ont contribué de manière égale à la construction de la légende.

À l’écoute du disque c’est la fête à tous les étages à vrai dire… Un vrai déluge de guitares caverneuses et spatiales qui nous ensorcellent et ne nous quittent pas. Ace en a utilisé pas moins de 25 pendant son enregistrement ! Il y a cette voix aussi dont on parlait plus haut, pas exceptionnelle mais juste et chaude : le refrain lancinant du title track "Space Invader".
En est un témoin clé. "Gimme A Feelin’" aurait presque pu figurer sur le "Destroyer" de KISS tant son ambiance générale est festive, entraînante et efficace. "Toys", dont le riff d’ouverture rappelle "She" tient la route avec ce tempo lourd et prenant de bout en bout.

Le musicien sait se faire aussi plus sombre avec "Inside The Vortex", très autobiographique à la mélodie profonde et constante, au riff plaqué qui elle rappelle le "Deuce" écrit par Gene.
Avec son pedigree comme ayant fait partie du plus grand groupe festif de l’histoire de la Rock music, il est bien normal d’y trouver quelques réminiscences de-ci de-là.
Le côté purement Rock'N’Roll de "Every Girl Wants" à l’appréciation immédiate nous fait headbanguer comme des gamins que nous sommes. Un régal pour les cages à miel !

Alors, Ace est t’il une éponge ou un musicien bourré de talent ? Réfléchissez-y pendant que je vais m’attarder sur les quelques fausses notes de ce "Space Invader" plutôt convaincant.
Il y a cette production « larger than life », mais pataude et mal emmanchée qui ne rend pas justice aux subtilités de son jeu satellitaire et à ses changements de sonorités. Je ne voudrais pas d’un tel mastering pour mes propres démos c’est vous dire ! Un comble pour une légende de cet acabit. Quelques rejets se font ressentir mais ils ne sont pas nombreux, on peut citer "I Wanna Hold You" qui rampe pour n’arriver à pas grand chose, et "Change" pas inspirée, ça arrive, pas d’inquiétude. 63 ans le bonhomme, ce n’est pas à lui qu’on va faire la leçon hein ?

La faute à une vie décousue que personne n’aura l’indélicatesse de juger, la carrière en dents de scie de ce musicien et de cet Homme hors-normes lui aura sans doute permis malgré tout de représenter une influence majeure pour les générations passées, présentes et à venir.
Finalement, Ace a cette faculté innée de composer ce que bon lui semble, et il se trouve que l’entité Stanley/Simmons en prend pour son grade et s’en trouve ternie. S’agissant d’un album solo l’appréciation est différente de ce qu’un groupe a à proposer, le constat est là mais la magie n’est bien évidemment pas la même. Inclassable parmi les inclassables et pourtant si classique compositeur, son petit supplément d’âme suffit à le considérer pour ce qu’il est : un remarquable musicien à la double personnalité. Quand Dr Jekyll rencontre Mr Hyde ! Frehley est un nomade du Rock et n’est jamais là ou on l’attend vraiment. Un vrai électron libre, indépendant et fier de l’être. Quand on sait que c’est lui qui a dessiné le logo de KISS et instigué le grimage de ses membres sans au préalable en avoir déposé les marques, on se dit qu’on a affaire à quelqu’un de sincère, qui ne s’encombre pas de considérations purement mercantiles. D’autres auront l’audace et l’opportunisme d’en faire bon usage…

Un excellent cru du légendaire guitariste. À quand une reformation pour le meilleur en bonne et due forme ? À en juger par la santé mentale, physique et musicale de ce dernier, il n’y a qu’un pas que les derniers membres originels peuvent franchir. À leur âge avancé, mieux serait de laisser leurs rancœurs et âmes de businessmen de côté non, vous ne croyez pas ?
Je dis ça je dis rien…