Ah, Ace FREHLEY... Beaucoup ont dit qu'il s'agissait d'un des meilleurs guitaristes de toute l'histoire du Hard Rock et du Heavy Metal. Moi je pense surtout que c'est le pire talent gâché de cette même histoire. Pour les plus incultes d'entre vous, FREHLEY est l'ancien lead-guitariste de KISS, le tout premier, celui de la grande époque, celui à qui l'on doit, entre autres, les classiques "Cold Gin", "Parasite", "Shock Me" et autres "Into The Void". Pour tout un tas de raisons que je ne listerai pas ici et qui impliquent de s'immerger profondément dans les plus noirs tréfonds de l'histoire de KISS, Ace a fini par plaquer Paul STANLEY et Gene SIMONS au début des années 1980, car il estimait que le groupe qui lui avait tout apporté et auquel il pensait - à raison - avoir lui aussi beaucoup apporté, l'empêchait purement et simplement de progresser d'un point de vue artistique.

Pour ce qui est de la suite, FREHLEY'S COMET toussa, toutes les infos se trouvent dispersées dans les différentes chroniques de NIME. En tous cas, ce qu'il faut savoir c'est qu'Ace, après avoir naïvement participé à cette vaste blague qu'a été la reformation du line-up original de KISS en 1996, a définitivement laissé Paul et Gene se demmerder avec leur attelage branlant et a décidé de voler de ses propres ailes. Depuis 2002, c'est un certain Tommy Thayer qui endosse le rôle du Spaceman au sein du groupe du bisou, costume et maquillage compris. Il n'a pas le talent d'Ace, mais au moins lui, quand on ne lui demande rien, il se contente de fermer sa gueule. SIMONS et STANLEY n'en demandent pas plus. Tan pis pour eux.

Bref, voila pour KISS. Si je dis tant pis pour les deux autres nazes, c'est parce que ce groupe ferait certainement un bien meilleur boulot avec ce gars-là et son potentiel, en particulier au niveau de la composition. Au pire Peter CRISS on s'en fout, il n'a quasiment jamais rien composé pour KISS et Eric SINGER chante largement aussi bien que lui. Mais voilà, KISS, c'est avant tout l'œuvre de deux gars bouffis d'orgueil et d'ego, qui n'ont jamais supporté de laisser échoir à d'autres ne serait-ce qu'une infime partie du destin de leur œuvre artistique. Vinnie VINCENT en sait quelque chose... Et donc KISS n'a jamais été le groupe qu'il aurait pu être dans d'autres circonstances, blablabla, c'est comme ça et maintenant que le mal est fait, on peut tourner la page.

Parlons plutôt de ce à quoi se consacre Ace FREHLEY aujourd'hui. Plusieurs années après avoir consommé sa rupture avec son groupe d'origine, l'ex-Spaceman, qui semble avoir laissé derrière lui ses problèmes d’alcoolisme et sa toxicamanie, a décidé de passer le cap de la soixantaine avec un nouvel album solo. Ca lui a pris du temps, mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'a pas chômé le gaillard : douze titres pour près d'une heure de musique. Et je peux vous assurer que ceux qui ont trouvé "Sonic Boom" trop simpliste auront ici matière à faire niveau décortication. Une fois n'est pas coutume avec notre vieil amateur d’astronomie lorsqu'il est tout seul derrière les partitions, on a droit à un album particulièrement personnel et peu conventionnel, avec ce style si particulier à la guitare et cette voix unique en son genre.

Arrêtons-nous justement aux qualités intrinsèques du bonhomme. Les fans de KISS pourront vous le dire mieux que quiconque, leur groupe fétiche n'a jamais autant cartonné en live qu'avec le guitariste au maquillage argenté. FREHLEY n'est en effet pas simplement un bon guitariste, une icône reliquaire du guitar hero de carte postale, c'est aussi une certaine manière de pincer les cordes. Un peu comme Eddie VAN HALEN ou Tony IOMMI, mais dans un genre différent. En ce qui concerne le chant c'est un carton plein : si Paul STANLEY chante comme une casserole depuis maintenant plusieurs années, Ace semble n'avoir jamais aussi bien exploité ses cordes vocales. Celui qui a si longtemps été écarté des micros prend ici sa revanche, et à soixante balais il démontre qu'il n'a encore rien perdu de ses capacités.

Avec un potentiel pareil, on n’est pas franchement surpris plus que ça par la qualité intrinsèque d'"Anomaly". Servi par une production gargantuesque, Ace déchaîne une nouvelle fois la foudre dès les premiers riffs de "Foxy And Free", et plus encore dès les premières notes du formidable tube "Outerspace", qui a tous les atouts en poche pour retourner une salle de concerts. Comme l'a été son cultissime premier album solo, ce nouvel effort est complexe, très personnel et bourré d'influences relativement diverses. Exploitant à loisir les moyens techniques modernes, Ace assaisonne tout ça avec une once de puissance et de lourdeur, qui l'oriente vers des sonorités aux forts relents de Heavy Metal. S'il avait recouru à quelques influences électro, on aurait presque pu parler d'Indus Metal, un peu comme sur le "Brutal Planet" d'Alice COOPER.

Niveau paroles, ce n’est pas terrible : c’est bien entendu, et comme d’habitude, plus recherché que du KISS – les paroles pacifistes et spirituelles vaudront toujours mieux que les dons à des associations militaires avec invitation de bidasses sur scène comme le fait actuellement le groupe susdit - mais c’est globalement trop gentil, trop mélancolique, trop bigot (« Dieu » est partout, les femmes m’ont fait du mal, elles sont méchantes, etc.) pour être intéressant. Bon, alors bien sûr on s’en fout au bout du compte, surtout vu que ce n’est pas franchement la spécialité dans le milieu.

Bref ce "Anomaly" envoie du pâté et je peux vous dire que j'étais loin de m'attendre à une claque pareille. On attendait l'album de Glam ou de Hard FM facile ? Que dalle, on a droit à du pur FREHLEY ! Sombre sans pour autant être pessimiste, ce skeud sait mêler des titres aux structures assez standards ("Pain In The Neck" et son super refrain) à d'autres plus expérimentaux ("Genghis Kahn"), sans parler des instrumentaux assez inattendus ("Space Bear", dantesque). Et il plane là-dessus une ambiance qu'on pourrait qualifier de... bizarre. Tout ce que j'aime ! Il ne manque plus à Ace que quelques hymnes fédérateurs capables de soulever les foules, histoire de nous démontrer une bonne fois pour toutes qu'il a eu raison de plaquer KISS une dernière fois. On aurait aimé qu'il se bouge le cul un peu plus tôt. Mais on a quand même envie d'y croire !