J'ai toujours eu du mal à comprendre les cris d'orfraie des Metalheads au sujet de cet album : "comment, ils ont osé toucher à "Master Of Puppets"?". Les Metalleux seraient-ils soupe-au-lait ? Cet album, ce n'est ni plus ni moins qu'un hommage à METALLICA (et à "Master Of Puppets" en particulier). Il s'inscrit dans une démarche somme toute logique puisque les New Yorkais avaient rendu hommage à cet opus iconique lors de leur précédente tournée en le jouant en entier. J'ai aussi beaucoup de mal à entendre l'adjectif "prétentieux" trop souvent accolé à cet album ? Est-ce prétentieux de toucher à "Master..." ? Est-ce prétentieux d'avoir un énorme niveau technique et d'abuser de plans démonstratifs ? Les gens ne confondraient-ils pas "démonstration" (montrer son savoir-faire) et "prétention" (attitude fondée sur une opinion trop avantageuse de soi-même). En quoi jouer (trop) vite montrerait une boursouflure de l'égo ? L'Histoire de la Musique nous a pourtant maintes fois montré que la vitesse d'exécution n'est en rien gage de qualité artistique.

Donc que ce "Train Of Thought" soit pollué par de la masturbation technique, que son appropriation du chef d'œuvre des Californiens ne soit pas des plus réussies (ce n'est d'ailleurs pas la seule inspiration, "The Number Of The Beast", qui fut aussi joué en entier sur la tournée précédente, a eu son importance dans leur "writing process" bien que cela s'entende moins), que l'inspiration ne soit pas autant au rendez-vous que sur leurs albums précédents, ça se discute et se défend. Mais la "prétention", non, il y a confusion de vocabulaire. D'autant que je n'ai pas souvenir de déclarations fracassantes de Portnoy & co à l'époque, mis à part sur le ton de la boutade (Portnoy avait plaisanté sur un truc du genre "l'album qu'aurait dû sortir METALLICA"). J'étais présent au Razzmattazz de Barcelone le 19 Février 2002 pour leur "Evening with..." qui les a vu jouer "Master..." en intégralité. Je me rappelle l'hommage et l'humilité face à cet album culte. Pas de déclarations tapageuses à la MANOWAR ("other bands play Manowar kills"... ou pas en fait, cf Hellfest 2019).

Le problème de cet album c'est le manque d'équilibre (e.g. ce génial passage Latin Jazz à la Michel CAMILO après une séance de déboule pas loin de l'indigestion sur "Stream Of Consciousness"). Les références à "Master..." sont évidentes mais font partie de l'hommage à mon sens, pas de quoi crier au scandale. Par contre, les morceaux s'étalent trop en longueur, notamment sur les parties instrumentales qui sont aussi impressionnantes que rébarbatives par moments. Comme s'il avait manqué un œil extérieur. Une prise de recul pour effectuer un "tri" qui aurait allégé l'album de manière salvatrice (à cet égard, "Vacant" est une bénédiction). Ceci étant dit, j'avais beaucoup aimé l'album à sa sortie. Le plus "couillu" de DT qui se faisait presque Techno Thrash par moments (la fin de "This Dying Soul"). Pas en tout point néanmoins. La "déboule" excessive me faisait m'arrêter à quatre étoiles. Aujourd'hui, avec le recul, j'enlève une étoile supplémentaire car cet album marque un "tournant dramatique des événements" qui vont constituer l'histoire du groupe puisqu'il inaugure le pilote automatique chez DT.

À cette époque, ils sont énormes et au lieu de prendre le temps pour peaufiner leurs albums, ils décident de battre (à outrance) le fer tant qu'il est chaud et entrent dans un cycle "industriel" de productions bisannuelles/trisannuelles sur le schéma suivant. "Inspiration corner" (ils écoutent et s'imprègnent de leurs coups de cœur du moment), composition, enregistrement, sortie de l'album, tournée mondiale, album live et bien sûr ils garnissent leur "Official Bootleg Store" (une mine d'or pour les fans au passage). Et rebelotte. Le départ de Portnoy en 2010 n'a pas altéré ce rythme. Évidemment, le résultat est toujours décevant. "L'inspiration corner" est moins bien digéré, les albums se complaisent dans des longueurs pas toujours justifiées (pas loin de 80 minutes au compteur pour la majorité) et on sent clairement le pilote automatique et la redite. C'est au final très frustrant car il y a toujours quelques idées géniales mais noyées dans ce manque de recul et cet effréné rythme imposé.