ARCKANUM m'a bluffé au début : non seulement croyais-je que c'était un énième combo de Black bestial et ennuyeux (ces deux qualificatifs pourront être accolés à son nom sur certains albums), mais j'étais certain qu'il provenait de la forêt noire allemande. J'en étais si persuadé que je suis allé vérifier sur Metal Archives en étant certain d'avoir visé juste… Erreur. Ce Black forestier et martial, il nous provient de SUÈDE et… c'est un one-man band ! Ah ben là… surprise totale.

Cinquième album de Shamaatae, heu pardon d'ARCKANUM, "ÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞ" me plaît à un niveau que je ne soupçonnais pas. Vous voyez cette bête assoiffée de sang issue des pires cauchemars sur la pochette ? Eh ben, ça décrit parfaitement le genre de trame angoissante que nous sert le Suédois. Un album tout en noirceur et en brutalité mélodique, qui a ses répétitions évidemment (comme des groupes tels que LUNAR AURORA ou ENDSTILLE), mais qui a quand même sa signature. Un album profond dans sa simplicité, qui nous donne un fort goût de revenez-y, ce qui, dans le Black crado, n'est pas toujours évident.

Þ est un symbole, une lettre, signifiant « épine » dans la culture anglo-saxonne et « géant » en culture scandinave. Eh bien, si je ne retrouve pas toujours le géant, à part peut-être le morceau le plus monumental de l'album, "Þá Kómu Niflstormum", les épines, je les retrouve partout. Même dans mon cul qui, après avoir dévalé une pente abrupte, poussé par le mur du son d'un "Þórhati", "Þyrpas Ulfar", "Þjóbaugvittr" ou "Þríandi", atterrit dans une talle de chardons. Il y a bien quelques riffs et trémolos d'où émanent quelques lueurs argentées dans ce goudron ("Þann Svartís", "Þursvitnir"), mais la majorité du temps, la bête nous griffe au visage pour nous empêcher d'admirer cette Lune qui l'a transformée. Shamaatae est ce bestiau et il est précis, même si non transcendant.

Quand je dis cela, ne vous attendez pas à une déception, loin de là, mais pas non plus à un miracle. ARCKANUM est violent, il a la rage en lui, le mal lui sort par tous les pores. Et quand le Black redondant pur jus nous sied, qu'il ne fait qu'abattre le boulot pour lequel il est créé, je ne vois pas pourquoi on chercherait la perle dans un océan de brume. Je me contente du paysage désolant et me remplit les narines de cet air vivifiant empreint de pourriture. Oui, ça m'arrive de me tenir fier et droit devant "Þyteitr", qui me cingle la tronche de ses lames et épines salines.

ARCKANUM me fournit les munitions dont j'ai besoin pour passer un bon moment, sans plus. J'avoue que cela tranche avec la poésie de ma phrase précédente, mais que voulez-vous, je suis comme Shamaatae : capable du meilleur ("Þórhati", "Þá Kómu Niflstormu", probablement deux des meilleures plages Black ouïes cette année) comme du pire ("Þjazagaldr", l'interlude sensée être démoniaque mais qui emmerde plus qu'autre chose). Ainsi vous est-il présenté. À vous de l'essayer.

Je pense parfois à tort avoir fait le tour du genre… Des albums tout chouettes comme "ÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞÞ" me réconfortent et me donnent envie de ne jamais arrêter d'en écouter. Certains diront que c'est de la redite car ils n'écoutent que cela… Tant pis pour eux, moi je prends ce skeud comme il s'est déposé dans mon oreille par une journée d'orage.

Note : 3,5/5 arrondi au plus haut, car un coup de cœur, c'est un coup de cœur.