"Promenons dans les bois pendant que Shamaatae n’y est pas ! Si Shamaatae y était, il nous dépècerait, mais comme il n’y est pas, il nous bouffera pas"…. Assurément une petite balade dominicale familiale et la rencontre fortuite de l’entité qui compose ARCKANUM, pourrait tirer au cauchemar et nécessiterait quelques séances d’EMDR pour faire digérer le traumatisme à tous. Pourtant la pochette est avenante, n’en déplaise aux esprits mal placés. Qui ne rêverait pas d’avoir un guide comme Shamaatae ? Il est évident que la promenade n’aura pas la même saveur que celle du garde forestier moyen de l’ONF. Conté en vieux suédois, bâton siglé de maints sigils, l’excursion s’avèrerait originale, je ne m’avance pas sur la teneur du repas ni sur sa composition par contre. En tout cas son geste, sur cette cover, est humain et incitatif, comme une invitation à partager la réplique d’un projet Blair Witch finalisé et bien ficelé, un jeu de pistes perdu d’avance.

"Kostogher" est le cadet de deux autres albums, "Fran Marder" et "Kampen", qui forment une triade clairement originale et fabuleuse. De la trilogie, il est l’album le plus violent. Sa production est moyenne, les guitares sont mixées plus en retrait et le gain global de l’album est beaucoup plus faible. Selon la légende l’effet était recherché afin que l’auditeur puisse recevoir en pleine tête, les coups de semonce de l’orage et les grognements de bêtes à la fin du dernier morceau de l’album. Le rythme global de "Kostogher" est effréné, il est entrecoupé de deux titres instrumentaux saisissants, "Gamall Uvermark" et "Græmelse Ok Væ" qui assagissent quelque peu la furia qui se dévergonde sans discontinuer. La batterie est mise en avant, il s’agit de l’instrument principal de Shamaatae qui en joue depuis son âge tendre.

ARCKANUM est un appel du pied à la Nature, pour que celle-ci puisse se répandre dans les compositions et parle d’elle-même. Cette dernière s’immisce dans tous les pores des notes. L’artwork, la personnalité de Shamaatae, son attitude, sa diction effrénée, infernale et le Black Metal cru, sombre et agressif qu’il compose, participent à ambiancer fortement l’album et le concept. Des éléments variés alourdissent l’atmosphère : on retrouve, au milieu du phrasé en vieux suédois hurlé par Shamaatae, d’autres apparitions de voix paraissant venues de la canopée entourante. Cette dernière n’ayant de cesse de chercher à étouffer, enserrer, le promeneur non-initié. D’autres éléments de la faune surgissent pour hanter l’auditeur mais ils sont en moindre nombre par rapport au premier méfait "Fran Marder", qui en comportait bien davantage.

Bienvenue dans le Marder, le pays de ARCKANUM ! Shamaatae l’a construit lui-même à grand renfort de sa pensée, de ses rencontres avec la magie, le Démiurge, le dieu Pan, les pouvoirs sénestres et de son cœur de croyance qui est la croisée du Chaos-gnosticisme et du Satanisme anti-cosmique. Shamaatae est parfaitement impliqué dans ce projet, l’arrêt d’ARCKANUM en 2018 fut aussi l’étape et le passage lui permettant d’embrasser sa nouvelle carrière d’écrivain. Il a publié plusieurs ouvrages sous divers pseudonymes et sa participation active à l’ordre occulte Temple Of The Black Light (anciennement appelé Misanthropic Luciferian Order dont J. Nödveidt, ex-DISSECTION a fait partie), sont la preuve de l’authenticité de son cheminement, que son savoir érudit et ses albums concepts de jeunesse n’ont fait qu’éclairer, agrémenter et mûrir.