Les Lyonnais de CELESTE ne chôment pas depuis l'accouchement de leur excellent groupe en 2005 : ils ont offert gratuitement trois albums en trois ans : un très court pour débuter en 2007, "Pessimiste(s)", Nihiliste(s) l'année suivante et le génial "Misanthrope(s)" en avril. Leur musique est sale, étouffante, sans compromis, du Post/Hardcore malicieux et vicieux.

Ce deuxième opus de la lignée est un vrai petit festin intoxiqué, à l'image de son successeur, qui avait déboulonné mon cerveau jusqu'à ce qu'il ne reste aucune partie d'attachée. Ébahi étais-je. Aussi l'envie me pressait-elle de vérifier comment les Français hargneux avaient commencé leur destruction émotionnelle intensive. Aucune déception possible, CELESTE possède un « charme » indéniable et ses vives compos sont trop absurdes de férocité pour passer inaperçues. Et cela même si leurs titres d'albums renvoient à des thèmes constamment exploités qui ne donnent pas le goût de survivre très longtemps. Heureusement qu'on ne prend pas tous leurs griefs au pied de la lettre et qu'on se prête au jeu de la redondance…

Pessimistes, frustrés contre l'homme ou marchands de négativité, les diablotins célestes se la jouent sévère et nous entraînent dans leur comédie saugrenue aux messages inspirés de vrais trucs, mais à l'extrême teneur en sucre. CELESTE pousse les images au maximum, un peu comme ANOREXIA NERVOSA le faisait si bien, en pourfendant quiconque ose jeter une oreille sur son boulot. La censure est inexistante, la pesanteur des ambiances empeste l'humidité et la merde. A un certain moment, on se surprend à partager leur point de vue sur le monde chiant qui les inspire, on devient soi-même nihiliste. Un choix qu'on ne regrette pas, tant le cynisme de la chose est délicieux. Cela nous donne une excuse pour éructer notre ire envers autrui, même ceux qu'on ne connaît pas…

Comment ne pas sourire devant des titres tels que "On pendra les femmes et les enfants en premier" ou "Abandonner tout espoir à vingt ans" malgré les horreurs qu'ils laissent planer ?! Qui oserait dire ça en 2009 ? Qui oserait causer de viol, de pédophilie, de nos travers humains avec autant de franchise comme Johan, dont les cris se font entendre à travers ce lot bovin ("Au feu le savoir"), créant un effet bœuf à chaque fois ?! Et le plus génial dans tout ça est le rendu musical adapté de façon sublime aux attaques en règle du groupe.

CELESTE peut sembler tanguer à la limite du Black, mais il n'est pas assez « théâtral » ou «poétique », il est trop en colère. Il est certes « dark », mais son accentuation sludgy lente et mastodontique (batterie grasse et modérée, riffs encrassés), est trop forte. Certains d'entre vous qui s'y connaissent moins, comme moi au début, songeront que CELESTE officie en Black. Mais non, bien que la frontière soit mince et que le climat nauséabond qui prévaut d'un pôle à l'autre laisse présager une tempête de souffre, cette parade de corps déchirés marchant sur des barbelés est une des races le plus infectes de Post/Hardcore de la courte histoire du genre. Ce qui émane du quatuor est bel et bien du nihilisme, mais à un niveau dramatique.

La montée en « petit » crescendo et la débauche schizophrénique des cordes sur "A jamais dénudée", le riff et la ligne ronronnante de basse sur "Comme s'il suffisait de lever le doigt pour refaire", l'implosion immédiate de "On pendra les femmes et les enfants en premier" et son refrain médisant, ne sont que quelques passages de l'opus qui prennent à la gorge. Chaque morceau a son attrait et pousse comme de la mauvaise herbe dans notre « prison de chair ».

Le talent des Lyonnais est indiscutable pour tout fan du genre. Et il ne saurait qu'éclore davantage si leur cœur de pierre continue de pomper du poison. Ce ne sont pas les sujets abominables et les agissements atroces de leurs cibles misanthropiques qui manquent de toute façon…