CELESTE, le groupe le plus extrême de la scène Post-Hardcore française, le groupe qui distribue gratuitement ses albums sur le web et qui grave ses méfaits sur vinyle, le groupe qui tue sa mère à chaque instant. Le groupe irrésistible au charme ravageur, à l'instar de la teneur de sa musique, sortant un album par année depuis 2007. CELESTE le cornu, le couillu, le flou, le tapageur, l'irrévérencieux gamin repoussant les limites.

Cet EP, qui aurait aussi bien pu être un album, fut un court mais puissant pavé dans la mare. La France possédait son « pessimiste » de service, dénonciateur du malaise de vivre, de cruauté mentale, philosophe-bombardeur au son immense et à la distorsion faisant office de toile d'araignée en pleine twilight zone. CELESTE naissait tel un petit Damien avec mission de brusquer son auditoire et de tromper son ennui ! Il aime toucher les cordes sensibles et s'encapuchonner sans sa soutane de moralisateur atteint d'une sérieuse infection de « je -m'en-foutisme ».

Bon, y'a pas à tourner davantage autour du pot : c'est un premier album, une première sortie au grand jour pour les Lyonnais, alors le résultat est mitigé. Se déliant la langue avec fougue pour ce court tour de piste, ils infligent 18 minutes de rage dans un climat de terreur et de folie, où les moments de respiration et de nostalgie sont les bienvenus. Le duo de départ est d'ailleurs un excellent exemple des extrêmes que peuvent atteindre les Coreux : une claque et une caresse, la froideur et la chaleur. Et toujours cette infime trace d'extermination planant sous les grattements de Guillaume et Antoine, les cymbales de Royer et les hurlements de Johan.

La table est alors mise pour les trois autres compos de cet « album », qui poussent le bouchon de la surprise un peu plus loin : les pulsions s'accélèrent, le cholestérol bloque les artères et confine le spectateur dans une bulle de graisse où les échos de la déchéance et de la mort sont suspendus. On dégringole jusque dans les abysses de la médiocrité humaine, de la négativité, du pessimisme à outrance. Et CELESTE de coiffer le tout d'un morceau infect, "Car Quoi Qu'il Advienne Tout Est A Chier", jalon initial d'une lacération à grande échelle de nos espérances.

"Pessimiste(s)" a peut-être terrassé bien des amateurs en 2007, mais si on le compare aux deux pains suivants, il fait pâle figure. Je mentionnais les moments de respiration plus haut, eh bien, ils sont plutôt nombreux et créent, dès "Diluons Nos Souvenirs D'Enfance" une routine « calme-attaque » qui devient un peu lassante. Les mélodies, plus présentes sur "Nihiliste(s)" et "Misanthrope(s)", peinent ici à se faire adopter. La guitare est plutôt aérienne et ne fait qu'effleurer la surface ramollie par une ambiance sourde ou lourdement assainie. Mais la redondance des structures demeure le principal point négatif.

Le skeud est aussi un peu brouillon dans son ensemble, le style agressant de CELESTE oblige. Cependant, on sent que le quatuor ne maîtrise pas encore (ce qui est compréhensible) toutes les cartes de son arsenal, de sorte que les qualités qui seront retrouvées plus tard ne caractérisent pas entièrement "Pessimiste(s)". Voilà sûrement pourquoi sa longueur est si courte.

Le groupe peut cependant se targuer d'avoir présenté une massive graine de misère qui poussera rapidement et droit. Ce qui rend ce "Pessimiste(s)" d'autant plus intéressant.