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CELESTE - Animale(s) (2013)
Par KOL le 17 Octobre 2022          Consultée 1234 fois

Rares sont les discographies aussi cohérentes que celle des Lyonnais de CELESTE. D’aucuns me jetteront à la figure les exemples d’AC/DC ou d’autres vieilleries surannées, mais je persiste : l’œuvre des Frenchies est à l’image de leur musique : massive et d’une remarquable consistance. L’univers brisé et nihiliste dans lequel on se retrouve plongé ne donne pas foi en l’humanité, à l’instar de certains long-métrages profondément déprimants sur la nature de l’être. Impossible de ne pas chercher à imaginer les sombres penchants derrière chaque visage croisé inopinément au détour d’une rue ou dans un train, pour peu que la bande-son qui suinte de votre casque soit "Animale(s)". Nous sommes tous des monstres au fond, et ne méritons aucun salut, à commencer par nos voisins.

Si une forme de misanthropie me gagne, c’est que l’écoute intensive de cet opus ne peut que laisser des traces de saleté jusqu’à dans l’esprit de l’auditeur, qui plus est lorsque l’offrande dépasse la durée habituellement impartie pour le combo. Car c’est bien un double-album qui nous est ici infligé en guise d’expiation onirique après plus de trois ans d’attente, soit à peu près le temps qu’il avait fallu à CELESTE pour pondre ses trois premiers essais. Autant dire une éternité à leur échelle. Mais pour leur retour, force est de constater que la formation n’a pas fait les choses à moitié, ne proposant rien de moins que 70 minutes de noirceur, nous narrant pour l’occasion la rencontre de deux êtres perdus dans un monde sur lequel il n’est plus permis de fonder quelconque espoir…

Cette durée, associée au genre prodigué, rend difficile et voire même douloureuse l’expérience, insinuant chez les amateurs une déviance masochiste révélée par le plaisir coupable que constitue l’épreuve de ce disque. Celui-ci est en effet un bloc d’une grande densité, monolithique, porté par un mur de son impénétrable duquel n’émergent que les textes écorchés de Johan et les leads de guitares dissonants. L’ensemble ne révèle que quelques rares respirations, portées notamment par les deux instrumentaux -"(X)" et "(Y)"- qui s’insèrent parfaitement dans la tracklist, permettant d’éviter de susciter l’indigestion chez l’auditeur.

Au niveau musical, peu de changement donc par rapport à la formule Post Black qui constitue leur marque de fabrique depuis "Morte(s) Née(s)". On notera néanmoins une tendance à aller lorgner un peu plus vers du Doom et du Sludge, ce qui sied plutôt bien à leur identité il faut l’admettre. Prenez un titre comme "Cette Silhouette Paumée Et Délabrée Qui Sanglote Et Meurt" qui résume si bien la chose, ne jetteriez-vous qu’une oreille à cette évolution. Ces variations sont réelles mais subtiles, visant à instaurer une certaine forme d’hypnose et d’abandon. Elles se présentent majoritairement sous la forme de tempos ralentis, de trémolos ou de claviers, reflétant sur certains passages une forme de lumière forcément blafarde, mais ceci est malgré tout une petite nouveauté il faut le reconnaître. Y aurait-il dans la nuit profonde une cicatrice suffisante pour laisser passer une lueur ?

Le second disque me semble d’ailleurs particulièrement insister sur ces points. Moins directe mais également plus recherchée (oserais-je le mot progressive ?), la musique de CELESTE y gagne encore en épaisseur ce qu’elle perd en impact immédiat, ce qui me semble au final convenir plutôt bien à sa nature profonde. Fatalement, l’aspect mélodique inhérent à leur travail d’écriture y trouve un écrin le mettant bien plus en valeur que la violence sauvage et sourde. Ça tombe bien, "Animale(s)" en est gavé, renforçant peut-être une accessibilité (si j’ose m’exprimer ainsi) plus évidente que par le passé.

Le souci, soyons clairs, réside dans la durée excessive de la galette. Pour quoi faire ? L’essence même du groupe ne mérite pas un tel acharnement. Elle invite à la réflexion des sentiments, et nécessite au contraire une forte attention. Elle incite à laisser la poussière retomber pour mieux contempler l’étendue des dégâts. La musique de CELESTE s’apprécie en étant vécue de façon viscérale ET cérébrale. Personne ne peut me faire croire qu’il est capable de maintenir un niveau de concentration soutenu pendant plus d’une heure, c’est tout bonnement impossible. Ce constat nous oblige à couper notre effort à la fin du premier disque, cassant ainsi la dynamique souhaitée par le groupe dans l’agencement des morceaux et la progression du voyage qui nous est ici conté.

Jusqu’à cette "Outro", introspective et lancinante conclusion qui n’est pas sans m’évoquer la bande originale de "Blade Runner" par VANGELIS. Tout était déjà là, tant dans la nouvelle de Philip K. Dick que dans son adaptation par Ridley Scott. Et si l’humanisme était avec le temps devenue une notion étrangère à l’humanité ? Ultime paradoxe et cruel constat que de réaliser à quel point celle-ci est finalement plus présente chez d’autres espèces, qu’elles soient synthétiques ou "Animale(s)".

Note réelle : 3,5/5.

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- Johan Girardeau (chant, basse)
- Guillaume Rieth (guitare)
- Antoine Royer (batterie)
- Sébastien Ducotté (guitare)


- disque 1
1. Laissé Pour Compte Comme Un Bâtard
2. Au Pied D'une Bicoque Peu Séduisante
3. Sans Crainte De S'avouer Un Jour Naufragée
4. (x)
5. Tes Ames Sœurs Immaculées
6. Dans Ta Salive, Sur Sa Peau
- disque 2
7. D'errances En Inimitiés
8. Cette Silhouette Paumée Et Délabrée Qui Sanglote E
9. Empreinte D'érotisme
10. (y)
11. Serrés Comme Son Cœur Lacéré
12. Outro



             



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