Les « raisons », s'il y en a dans ce cas, qui mènent à prendre des drogues dures qui détruiront tout de soi et autour de soi (vie sociale, personnelle et familiale, intérieure... sans compter l'auto-destruction physique rarement récupérable) peuvent être de tout ordre. Très souvent, la drogue, puis les délits (il faut s'approvisionner) ramènent l'individu au Néant de soi. Mon métier me force à côtoyer nombre de personnes ayant une ou plusieurs problématiques addictives. On prend souvent des drogues parce que telle connaissance en prend puis nous en propose – ou on en prend car cela permet « la fuite ». Ce sont en gros les deux voies qui mènent à l'addiction – et à la déchéance, la destruction. Pourquoi je vous raconte tout cela ? Il est connu que Meyhna'ch, âme de MÜTIILATION, est ou était un junkie. Et à mon avis, cela ne cesse, depuis le début de l'aventure MÜTIILATION (le nom de groupe est éloquent ! Cut Your Flesh And Worship Satan !) d'être le centre et le moteur du combo. La vie éclatée, l'âme éminemment torturée, perdue, déchue de Meyhna'ch est le fil conducteur de ce leader des Légions Noires françaises. Le centre et le but de la pratique de l'Art Noir du Black Metal. Assurément, si vous cherchez du Black Metal des plus sincères, des plus justes et des plus durs, allez piocher chez MÜTIILATION...

Et MÜTIILATION est une de ces rares formations avec laquelle je ne fais qu'un, au même titre que DARKTHRONE, VORDR ou VERDUNKELN... La torture, les souffrances, les douleurs causées par la vie, ou par le reflet de soi, ou par le reflet d'une Humanité perdue – regardez donc votre JT préféré; lisez les journaux les plus éclairés. Qui n'a jamais souffert dans sa chair, qui n'a jamais eu de profonde crise existentielle, qui n'a jamais eu des tas d'emmerdes qui vous feront HAÏR ne comprendront jamais le sens profond du Black Metal. Je resterais intraitable là-dessus. Et bien mieux que les cohortes de petits blackheads qui vivotent d'une manière ou d'une autre dans le Black Metal, MÜTIILATION est l'un des tous meilleurs parmi ceux qui savent exprimer leur ENFER intérieur... Quand on écoute avec intelligence et discernement l'Œuvre au Noir de Meyhna'ch, on se rend compte que la même pourriture l'habite depuis toujours, depuis 1991 – et c'est là le génie de Sa Majestas Leprosus, alias Meyhna'ch... MÜTIILATION est l'arme d'auto-destruction massive, il est le couteau sous la gorge, la corde pendant à la poutre, les lames de rasoir sur le rebord de baignoire... ou la ligne de coke qui te fera passer de l'autre côté du miroir. MÜTIILATION est l'avatar de la Mort – la tienne, lecteur. Il est la PESTE, il est, tout entier, MALADIE et corruption. N'y cherchez aucun espoir.

Plusieurs nouveautés néanmoins pour "Sorrow Galaxies" : Meyhna'ch dispose de nouveau d'un vrai batteur. Le son est nettement plus organique que sur les deux précédents full-lenght; et surtout, il n'y a que quatre titres et la durée approche les trois-quarts d'heures, véritable révolution pour MÜTIILATION.
On retrouve donc dans ce "Sorrow Galaxies" les riffs typiquement désespérants et maléfiques de Meyhna’ch et pour ma part, j'y ai retrouvé la même maladive musique que sur Majestas Leprosus : je suis comblé. La longueur des pistes aide à plonger dans un état hypnotique sub-conscient et, accompagné d'un bon vin, je laisse se déverser toutes ces frustrations, cette haine qui me pétrit moi aussi et cette rancœur éternelle - caractéristiques dont fait encore une fois preuve Meyhna'ch... Certainement la drogue a-t-elle contribué à perturber l'esprit de notre Gaulois mais elle l'a fait dans le bon sens : le bonhomme a le sens du riff qui remue les tripes, le riff qui vous fait monter aux narines l'odeur piquante et douceâtre de la chair en putréfaction. Et s'il y a bien une caractéristique inhérente au Français en question, c'est bien la maladie qui ronge tout entier son auteur et le fait que celui-ci parvient avec excellence à la rendre vivante. Il est le Ver. "Sorrow galaxies" pue la maladie comme le mourant dans son lit puant de sueur pestilentielle - exhalant la Mort, la peste ou la lèpre, comme vous voulez. "Sorrow galaxies" contamine à son tour et c'est là le génie de Meyhna’ch. Un peu comme si l'on plongeait dans une eau de vaisselle bien grasse et que le gras de celle-ci nous recouvre les bras en les sortant...

Les riffs vrombissant comme des nuées de mouches ou entêtants à rendre fou, Meyhna’ch parvient encore une fois à imposer une tension constante à l'auditeur névrosé que je suis. Les pistes s'écoutent facilement et ce nouveau et long format convient fort bien à la musique de MÜTIILATION. Quelque chose de l'ordre du tragique transpire aussi dans l'ambiance générale de l'opus, ce qui colle parfaitement à la dimension cosmique de l'album mais tranche avec le reste de la discographie de la formation. Ce qui me fait dire que nous voilà avec un album plus mâture que les autres et il faudrait tout simplement se demander si l'homme n'a pas changé ? Je le crois, ne serait-ce que par le dernier titre : "Acceptance of my Decay". "Sorrow Galaxies" fait donc le point sur une carrière et sur un homme. Ce full-length est sacrément bien inspiré et exécuté, et l'apport de la batterie change du tout au tout la musique de MÜTIILATION. Forcément, il vous le faut.