MUTIILATION a fait partie de ces quelques troubadours français rassemblés sous le nom de légions noires. Cet obscur patronyme a regroupé pendant un temps tout un lot de formations françaises de black metal baignant dans l’underground le plus nauséabond. Pratiquant un black sinistre à la production plus minimaliste tu te coupes les dents, la plupart de ces groupes (VLAD TEPES, TORGEIST, BELKETRE dont certains ont peut-être entendu parler mais aussi MOËVÖT, SUSVOURTRE, AAKON KEETRE, SATANICUM TENEBRAE, DZLVARV, BRENORITVREZORKRE, RATIBOIZOKS MOULAPATATE, RIPOFLAKUS ULTRAGRUMBUS, RAPATAPROUT LECHEMOILESPROUTS…(aussi curieux que cela puisse paraître, seuls les trois derniers sont de pures inventions) ont collectionné les démos sans jamais parvenir à se faire signer sur un quelconque label (à moins que cela n’ait été totalement volontaire) et MUTIILATION semble le dernier encore actif à l’heure actuelle. Il se compose aujourd’hui d’un membre unique, le petit Willy « Meyhna'ch » Roussel.

Un avertissement semble impératif afin que le lecteur ne se trompe pas de sujet. Car si DARKTHRONE, BURZUM, MAYHEM, GRAVELAND ou NOKTURNAL MORTUM pratiquent un black metal aux atours peu chatoyants pour le novice, ces cinq talentueux artistes sont à MUTIILATION ce que l’immonde Paris Hilton serait à une vulgaire traînée…c’est-à-dire la même chose. Rectification, ces cinq talentueux artistes sont donc à MUTIILATION ce que Paris Hilton serait à une vulgaire traînée, mais pauvre, lépreuse et unijambiste.
MUTIILATION pratique donc une musique de bas-fonds et ne s’est jamais extirpé du cloaque qui l’a vu naître. Une voix aussi haineuse que désespérée cohabite avec des guitares jouant de dissonances morbides tandis que la batterie évolue à vitesse modérée et se contente d’un minimum étrangement satisfaisant. Cet alliage maléfique est servi par une production dite «garage», ou plutôt «vieil entrepôt à carcasses de boucs morts» qui ferait passer SONIC YOUTH pour PINK FLOYD. Mélodiquement, l’infâme animal rôde sur un terrain déjà emprunté par BURZUM durant sa période la plus primaire, une plaine désolée, impropre à la vie humaine.
Notons que les deux derniers titres détonent puisqu’ils proviennent d’une session enregistrée en 1996 alors que les précédents sont en fait un album daté de 1993 et jamais sorti dans le commerce. Commerce, le mot est fort puisque ce Remains Of A Ruined, Dead, Cursed Soul n’a lui-même originellement été tiré qu’à mille petits exemplaires par les productions Drakkar (le disque est toujours aussi peu évidemment à dénicher). The fear that freeze m’évoque De Mysteriis Dom Sathanas, Holocaust In Mourning Dawn ne me fait pas penser à grand-chose sinon à de la merde.

Les spécialistes de l’underground le plus souterrain sont à peu près d’accord pour considérer Remains Of A Ruined, Dead, Cursed Soul comme le meilleur de MUTIILATION et MUTIILATION comme le groupe le plus intéressant des légions noires. Ayant écouté (et parfois perdu mon temps) sur des combos encore plus obscurs, je me joins à l’avis général et conseille ce disque à tous ceux qui désirent s’ouvrir à un black hexagonal fort éloigné des ravissants SETH, HIMINBJORG et autres BLUT AUS NORD, un black en état avancé de putréfaction, fier de sa démarche jusqu’au boutiste, prélude au pire des cataclysmes.