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THRASH EXPéRIMENTAL  |  STUDIO

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MEKONG DELTA - The Music Of Erich Zann (1988)
Par CANARD WC le 26 Septembre 2007          Consultée 11976 fois

"The Music of Erich Zann" est à la base une nouvelle de LOVECRAFT (datant de 1921). Je vous fais le « pitch » (histoire de relever le niveau de ce site d’ignorants) :

« C’est l’histoire d’un vieux violoniste muet – Erich Zann qu'il s’appelle - qui joue de la musique bizarre la nuit. Le narrateur – le voisin malchanceux - qui essaie de dormir tant bien mal finit par aller voir l’artiste qui empêche les honnêtes gens de se reposer un peu, non mais sans blague. Le narrateur fait alors connaissance avec Erich Zann (finalement sympa comme tout mais un peu barge) et remarque dans la chambre du sieur suce-nommé une large fenêtre grande ouverte. Étant donné qu’ils se trouvent au cinquième étage d’un HLM qui domine la ville, le narrateur se dit « Putain, la vue doit être topissime, faut que je mate ». Mais le vieux semble assez nerveux par rapport à cette fenêtre et il éjecte fissa le narrateur en l’encourageant à déménager plusieurs étages en-dessous pour ne pas être dérangé par ses violonades. Cette grande fenêtre obsède alors le narrateur qui se demande bon sang de bois à quoi ressemble la vue depuis cette hauteur. Un soir, le narrateur, qui avait pris l’habitude d’espionner Erich Zann derrière la porte, l’entend sangloter comme un perdu. Il rentre dans la chambre précipitamment et découvre le vieux en pleine dépression. La large fenêtre est fermée, mais une musique étrange retentit de l’Extérieure. Les volets claquent comme sous l’effet d’une tempête et la mystérieuse fenêtre vole en éclats. Erich Zann saisit alors son violon et se met à jouer frénétiquement, comme saisi de spasmes. Le narrateur aperçoit par la fenêtre « seul l'infini d'un espace sans fond, un espace inimaginable vibrant de musique et de mouvement ». Le vent éteint les bougies et plonge la chambre dans une obscurité terrifiante pendant que la musique continue de retentir. Le narrateur entraperçoit le cadavre d'Erich Zann et s’extirpe de la chambre pendant que le violon continue de jouer sa funeste mélodie. »

Quand LOVECRAFT fait dans le romantisme allemand, la morale est assez claire : vaut mieux pas se frotter à l’Invisible. Et accessoirement, faut faire gaffe aux portes inter-dimensionnelles et aux fenêtres grandes ouvertes.
Le décorum littéraire étant planté, nous pouvons maintenant aborder la galette sereinement.

Après un premier album assez brouillon et diablement perfectible, les mecs de MEKONG DELTA se lancent bille en tête dans un concept-album ambitieux basé sur cette histoire à dormir debout. C’est d’autant bien casse-gueule, qu’on ne peut pas dire que leur Thrash était à la base des plus consensuels...
Heureusement, depuis le premier opus, il y a du mieux. Indéniablement. Si MEKONG DELTA conserve la même personnalité, on ne peut que se réjouir de la production (presque bonne) et du niveau global des compos qui se veulent moins... Déstabilisantes.

Cependant, l’envie du groupe de « faire exploser la machine » reste intacte. Leur Thrash reste déroutant à vous en faire perdre la tête. Témoin la démarche même du groupe : ces riffs par séquelles font l’effet d’une invasion sonore. Vos oreilles se noient sous l’avalanche de plans étonnants (Cf. "Confession Of Madness"). L’intensité de cette musique conjuguée à son agressivité inhérente hypnotise ou rebute, mais jamais n’indiffère.

Il est assez évident que par-delà ses progrès manifestes, MEKONG DELTA se situe toujours aux antipodes du tube commercial. Sa musique se veut dé/crocheuse, a/mélodique et a/ssonnante. C’est de cette complexité que le groupe puise la force de tout exploser. MEKONG DELTA demande donc à l’auditeur de s’en extraire pour puiser les passages les plus plaisants. Presque un véritable jeu de pistes, les perles de l’album sont réparties de façon éparse, vous obligeant à prêter une attention particulière.

Ce qui prête moins à l’indulgence (et donc au regret), c’est le potentiel que le groupe nous laisse apercevoir. MEKONG DELTA est capable de s’envoler très haut... Quand il le décide. Seulement la plupart du temps, ça ressemble davantage à du Thrash crépitant rempli à ras-bord de ses contradictions, plutôt qu’à un subtil cocktail. Ça aurait pu ressembler à une espèce de Thrash symphonique sorti de nulle part, mais pas vraiment. Par trois fois ("Interludium (Begging For Mercy)" / "Epilogue / "The Gnom"), MEKONG DELTA se frotte au classique avec un certain talent (je vous renvoie à l’adaptation « Thrashistique » de "The Gnom" de MOUSSORGSKI). Ces instrumentales sombres, inquiétantes, grandiloquentes en disent long sur les possibilités du groupe. Cette cohabitation paradoxale et ahurissante de deux genres antinomiques (Thrash et Classique) force le respect et la curiosité.

Reste le problème de fond, quand le Thrash reprend ses droits, MEKONG DELTA redevient ce qu’il est, soit un groupe à la musique explosive, difforme, insoumise et monstrueuse (Cf. "Prophecy"). Un groupe de Thrash qui ne ressemble à aucun autre. La façon d’aborder l’album provoquera alternativement soit l’intérêt (étonnement), soit l’ennui (confusion). Deux façons d’appréhender le groupe qui changent diamétralement l’avis qu’on peut s’en faire. Quoiqu’on en dise, il n’empêche qu’un titre comme "I, King, Will Come" reste intrinsèquement mauvais que ce soit en terme de composition ou de mélodicité. Sans parler de la piètre prestation de Wolgang « Keil » Bormann qui devrait se reconvertir de toute urgence (faut dire qu’il n’est pas aidé par les lignes de chant).

MEKONG DELTA s’adresse donc à une minorité, à celle qui bande en écoutant CORONER, ANNIHILATOR (période "Alice In Hell") ou qui en écoutant les pièce classiques de PROKOFIEV ou MOUSSORGSKY aurait rêvé qu’à leur époque il puisse déjà jouer leurs œuvres version double grosse caisse et guitares saturées. En bref, MEKONG DELTA touche un auditoire qui aime se faire violenter par une musique imprévisible, mystique, torturée et absconse. Si la démarche est élitiste, référentielle, « intello », elle a le mérite de vouloir tirer vers le haut le Thrash. L’originalité de cette oeuvre provoquera ainsi deux réactions épidermiques l’une fondée sur la bienveillance, l’autre fondée sur l’incohérence de ce grand foutoir Symphonico-Thrash (à tendance Prog). Votre appréciation dépendra de votre faculté à rentrer ou non dans le « trip » du groupe.

En ce qui me concerne, MEKONG DELTA c’est ma came.

Dans le trip : 3,5/5.
Pas dans le trip : 0/5.

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1. Age Of Agony
2. True Lies
3. Confession Of Madness
4. Hatered
5. Interludium (begging For Mercy)
6. Prophecy
7. Memories Of Tomorrow
8. I, King, Will Come
9. The Final Deluge
10. Epilogue
11. The Gnom



             



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