Etrange sortie que celle-là. Si aujourd’hui, certains groupes de black n’hésitent pas à ressortir leurs premières demos afin de faire découvrir comment ils ont appris à riffer à leurs fans, cette tendance mercantile n’a jamais vraiment eu cours dans le petit monde du death metal, pas même lors de son apogée commerciale du début des années 90. Pourtant, Amon, Feasting The Beast est bien une compilation des deux premières demos de DEICIDE, et datent d’une époque ou le groupe s’appelait encore…AMON. Oui, je me suis fait avoir comme d’autres il y a 13 ans quand j’ai acheté ce disque en pensant me retrouver avec du matériel tout nouveau tout beau d’un groupe que je découvrais alors à peine. Mais comment s’informer à cette époque d’obscurantisme total, âge oublié de tous où Internet n’était qu’un concept lointain pour la plupart d’entre nous, où les jeunes regardaient encore Rick Hunter et Beverly Hills et plein de chiffres derrière et non Nip Tuck ou la sixième saison de La tentation du loft de l’amour dans la ferme des académiciens pop stars, où un certain maire de Neuilly s’attaquait à Human Bomb et non pas aux racailles, où les problèmes de prononciation à caractère européen concernaient Maastricht et non Bolkenstein, où les pirates étaient de l’air et non cyber, où le président américain se prénommait George et non…?

Bref, rien ici de bien spectaculaire ni de franchement surprenant. Les morceaux sont ceux du premier album officiel éponyme, à écouter selon un ordre et avec un son différents. Tout cela ne s’annonce guère réjouissant. Seulement voilà, DEICIDE s’est toujours posé comme un groupe sulfureux dont les déclarations de son leader ont longtemps interpellé avant de faire rire. Cette croix inversée gravée au fer rouge sur le front de Glen Benton, les railleries incessantes vis-à-vis de Trey Azagthoth, leader de MORBID ANGEL et adepte d’un culte lovecraftien pour le moins fantaisiste, les sacrifices d’animaux jamais infirmés et cette fameuse déclaration maintes fois répétée sur le suicide programmé d’un frontman désirant mourir à 33 ans. Si DEICIDE n’est aujourd’hui plus rien, sinon une formation de metal extrême au talent discutable et au charisme éventé, son aura au début des années 90 faisait de nombreux envieux parmi les apprentis death metalleux de la planète. Remise dans son contexte, cette galette représente un objet presque précieux, premiers balbutiements musicaux de véritables satanistes poussés depuis dans les cordes par des hordes de gamins scandinaves ayant su joindre les actes à leurs paroles. Et justement dans ce contexte, les six premières plages ne raviront que les sourds prêts à tuer leur mère pour se faire cracher dessus par le poilu Benton. Son quelconque, plutôt honnête pour une demo, donc parfaitement inintéressant, interprétations variant peu par rapport à leur version finale.

Heureusement, il y a cette demo intitulée Feasting The Beast, enregistrée dans un étron mort dans les premiers jours de la naissance du combo. Enfin du crado, une intro de film de série z efficace, des guitares au son ridiculement étouffé, une batterie lointaine et surtout ce chant grotesque et horriblement saturé (c’est pas bien de chanter la bouche pleine). Et voilà peut-être le meilleur de DEICIDE, un DEICIDE plus caricatural encore qu’à l’habitude, aux boursouflures réjouissantes, parfaitement débile et ravissant de laideur.

De l’inutile et du clownesque donc, du chiant et du presque jouissif, voilà le contenu d’Amon, Feasting The Beast, opus dispensable mais moins nul qu’il n’y paraît, à la pochette véritablement sympathique.