Plutôt qu'une bête compilation des plus gros tubes d'un groupe, pourquoi ne pas les présenter en live ? D'ailleurs, pourquoi ne pas faire les deux ? Cela permet de vendre deux fois une compilation, avec les mêmes chansons ou presque. Et puis pourquoi ne pas proposer en même temps un live officiel (en DVD, plus récemment) ? On ne peut pas dire que les membres de Foreigner se soient jamais privés de faire fonctionner le tiroir-caisse. Reste à savoir si celui qui raque à quelque chose à y gagner. Dans le cas présent, c'est mitigé. Car cette compilation, qui pioche par-ci par-là sur une quinzaine d'années des extraits de concert, est relativement honorable même si elle traîne aussi quelques casseroles. Mais bon. Si l'on pense à la vitesse à laquelle les disques de Foreigner finissaient dans les bacs à solde au cours des années 90, il n'y a pas besoin non plus de se ruiner pour se procurer ce chef d'œuvre méconnu à réserver exclusivement aux fans « hardcore » de Foreigner. C'est-à-dire là aussi une espèce qui sait se faire discrète depuis longtemps déjà.

Si l'on veut être positif, ces extraits live livrent une facette intéressante d'un groupe qui a surtout passé du temps dans les studios d'enregistrement. Attention, il se défendait en concert. Mais les albums de Foreigner étaient très souvent surproduits, chaque son étant calculé au centième de seconde. Les premiers disques, ceux des années 70, sous des aspects faussement secs et spontanés, étaient remplis à craquer d'effets divers et de bidouillages variés. Et ce n'était rien par rapport aux monstres de la décennie suivante, surtout Foreigner 4 : avec Mutt Lange, qui bossait aussi pour Def Leppard – et maintenant pour sa femme, Shania Twain – on avait le top de la production ultra-synthétique. D'où une vraie curiosité concernant la capacité du groupe à reproduire tout ça en live. Les extraits proposés ici le prouvent : il s'en sortait très bien. Un « Juke Box Hero » fougueux, un « Cold as Ice » aiguisé et rapide, sont autant de preuves de l'aisance de Foreigner face à son public. Et quand Lou Gramm susurre « I Want To Know What Love Is » avec ses fans, on se tait et on écoute.

Maintenant, on peut regretter plusieurs choses, qui font aussi de cette compilation une fausse bonne idée. D'abord, il manque des tubes, et pas des moindres : « Blue Morning, Blue Day », le chef d'œuvre des premières années, manque à l'appel. Idem pour « Break It Up », qu'on aurait vraiment voulu entendre. Peut-être qu'un concert de l'époque de Foreigner 4 (la compilation ne va pas au-delà) aurait été plus judicieux. Et d'ailleurs le vrai problème, c'est qu'il existe des tas de bootlegs de Foreigner live, et dont certains sont très bons. C'est le cas du fameux concert de Dallas en 1982 – un peu court lui aussi – où le groupe au sommet de sa forme et de sa gloire, est inattaquable : Mick Jones martyrise sa gratte et lance Lou Gramm sur orbite. Le chanteur racle sa voix et gueule comme s'il allait crever demain. Et il parvient à faire mieux que sur les albums studios. Cette compilation très sympathique peut donc séduire les fans qui ont attendu le feu vert de Foreigner pour écouter le groupe en live. Les autres, plus aventureux, ont déjà ce qu'il leur faut depuis longtemps.