Avec les succès maousse maousse de grosses locomotives comme DIMMU BORGIR ou CRADLE OF FILTH, on a tôt fait d’oublier combien le Black s'avéra un mouvement confidentiel dans la première moitié des 90’s, avec une petite poignée d’agités pour touiller les tréfonds des pays scandinaves essentiellement. Et c’est avec son « Battles In The North » à la pochette marquante et bien comique que le duo IMMORTAL (Demonaz et Abbath) raffla, avec ses trente mille vente, le titre de plus gros vendeur du Black, juste devant EMPEROR, bon second avec ses vingt mille exemplaires du géant « In The Nightside Eclipse » !

Alors fer de lance de l’écurie Osmose Productions, qui coucounait en ce temps-là quelques grands noms naissants du Black (MARDUK, NECROMANTIA, IMPALED NAZARENE…), IMMORTAL s’était déjà fait remarquer singulièrement par l’extrêmisme de « Pure Holocaust ». Mais c’est son « Battles In The North » qui allait le couronner maître du Black Metal brutal d’inspiration polaire : avec sa thématique éloignée du satanisme bas de plafond, IMMORTAL se distinguait ainsi par cette imagerie musicalement matérialisée par les guitares typiques de Demonaz, véritable mur de givre enveloppé de frimas. A ses côtés, Abbath et sa basse s’appliquaient à densifier ce son presque hypnotique, caractéristique d’IMMORTAL, tandis que la batterie de ce même Abbath, très rapide mais tout de même anarchique et pas très carrée, confortait cette impression de chaos manifeste.

Autre spécificité d’IMMORTAL : la voix proprement unique d’Abbath, grimaçante et rocailleuse, et d’un calme global assez étonnant dans le Black : loin de brailler comme un diablotin forcé de s’envoyer cul-sec un plein verre d’eau bénite, Abbath récite les paroles de Demonaz d’une voix déshumanisée plus qu’il ne les beugle… ce qui ne nous empêche pas de sourire de ce timbre de voix qui verse parfois dans le cocasse, même s'il colle bien à la musique, ajoutant à sa dimension glaciale. Et ce chaos blanc qui nous assiège l’esprit se reflète tout au long de ces dix courtes compositions (seules deux d’entre elles dépassent les quatre minutes) aux conclusions abruptes… ce qui n’est pas sans faire son petit effet sur l’auditeur, subitement abandonné en suspension dans les airs, après avoir été porté au sommet de la violence par le tourbillon des immortels.

Cependant, il me semble dommageable qu’IMMORTAL se laisse vite enferrer dans une certaine monotonie, dont ne parviennent à s’extraire que quelques compositions ("Cursed Realms Of The Winterdemons", le venteux "Moonrise Fields Of Sorrow", le morceau titre), dont l’immortelle "Blashyrkh", composition culte s’il en est, avec son rythme majestueux et son break atmosphérique, avec claviers et guitares cristallines.

Album très important pour IMMORTAL, qui y gagna respectabilité et reconnaissance commerciale, « Battles In The North » est un album dont l’approche n’est pas aisée, même s’il apparaît finalement moins impitoyable que « Pure Holocaust ». Son écoute n’en reste pourtant pas moins sous-tendue par un sentiment fondamental dans le Black : l’authenticité. C’est pourquoi on lui pardonnera volontiers ses défauts et maladresses, qui en font également le charme. Et puis, y’a "Blashyrkh" dessus, alors…