Quels sont les ingrédients qui font qu’un disque de metal peut faire l’unanimité parmi les auditeurs potentiels? En premier lieu, évidemment, une musique intelligemment composée, addictive dès les premières écoutes mais assez riche et solide pour résister aux assauts du temps. Cette condition est nécessaire mais pas suffisante car l’être humain est incapable d’objectivité, il réagit à l’environnement, au contexte et se nourrit surtout d’a priori difficilement évacuables. La deuxième condition a ainsi trait à l’imagerie du groupe et à son visuel. Il faut savoir éviter les clichés qui inondent le plus accessible des beaux-arts. Point question de dragons et de mages vieillissants, ni de candélabres et de maquillages grotesques sous peine de se voir railler par une foultitude d’aigris de toutes espèces. Enfin, il est préférable de n’être ni trop, ni trop peu connu, certains boudant toujours sottement des artistes trop appréciés pour être encore capables de sincérité et d’honnêteté, ou vivant dans une ombre trop opaque pour intéresser le quidam.

Kivenkantaja possède à n’en point douter tous ses ingrédients.

MOONSORROW vit actuellement le plus beau moment de sa carrière. Ces précédents albums ont été chaleureusement accueillis par les fans et la critique qui nourrissent l’espoir de se régaler une nouvelle fois avec un nouvel opus et le groupe ayant un gabarit encore très inférieur aux mastodontes du genre, il n’est pas encore la proie de moqueries et de persiflages divers. Qui plus est, cette formation développe un univers parfaitement vidangé, débarrassé de certaines références inutiles et déplacées (en vrac, Tolkien, les vampires, Satan et le mythe de Khtuluh). La Finlande possède son propre folklore et MOONSORROW n’a nul besoin de piocher ici et là des idées impersonnelles ni d’user de poncifs lassants. Il propose à l’auditeur une aventure authentique narrée dans la langue nationale.

Enfin, et cela doit rester l’essentiel, Kivenkantaja recèle un flux sonore qui caresse adroitement les oreilles. Ces musiciens talentueux font étalage d’une maîtrise qu’il me semble nécessaire de souligner. Si les chants black sont moins présents que par le passé, ils éclairent toujours d’une lueur sombre un disque baignant dans une mélancolie hypnotique. Les orchestrations synthétiques savent se faire décentes en évitant la vulgarité quotidienne des albums de black symphonique les plus médiocres. Plus bel exemple de l’expertise de ces Finnois, les chœurs, qui seront sottement qualifiés de viking par tous ceux qui aiment prendre des raccourcis trop faciles, affirment, au lieu de faire de l’œil à leurs voisins Suédois et Norvégiens, une personnalité indiscutable. Comme s’il en était encore besoin, les deux derniers morceaux, l’un enjoué, l’autre élégiaque, presque funèbre se font irrésistiblement folkloriques, champêtres (makan lopussa est une chanson traditionnelle, ça aide un peu, ils sont pas cons chez MOONSORROW) et témoignent une nouvelle fois du caractère fort de cette œuvre simplement réussie.

Kivenkantaja ne décevra personne, pas même ceux qui trouveront que la production fait état de trop de joliesse et qui se rendront finalement à l’évidence, cet opus est irrésistible.