"Hammerheart" est un album historique. Historique parce qu’il est le véritable point de départ musical de tout un courant musical, le Viking Metal. Si "Blood, Fire, Death" est le premier volet de cette fameuse trilogie viking, "Hammerheart" en est le véritable socle musical (son prédécesseur lorgne encore vers un passé plus agressif tandis que son successeur abuse parfois des intros et des ambiances acoustiques).
La porte entrouverte deux ans auparavant est désormais béante et nombre de jeunes musiciens (dont GRAVELAND et ENSLAVED sont certainement les meilleurs exemples) trouveront en cet opus la plus grande des inspirations.

Il faut avoir en tête l’époque (la fin des années 80) à laquelle a été créée cette œuvre magistrale pour se rendre compte de son côté totalement révolutionnaire.
En effet, contrairement à la plupart des artistes de Metal qui ont ouvert de nouvelles voies pour l’exploration musicale, Quorthon a ici tellement digéré ses influences qu’elles ne transparaissent même plus. Aucun riff sur "Hammerheart" ne fait penser à du Heavy Metal, encore moins à du Black ou à du Thrash, "Viking" est bien la seule étiquette que l’on aura le droit d’apposer sur la pochette.

Ce disque est un film, une saga, un voyage au plus profond de la Scandinavie préchrétienne.
À coups de chants épiques, de guitares acoustiques et de soli simples, originaux et toujours à propos, l’auditeur se laissera bercer par une musique simplement envoûtante.
Les effets sonores (un cheval au galop dans la forêt, le bruit des vagues s’échouant sur la côte, un village au réveil…) ne sont jamais abusivement utilisés et favorisent encore la plongée dans un monde unique.

Une des particularités qui m’aura le plus étonné et enchanté est l’emploi de ce son de guitare curieusement distordu. Il fallait une sacrée indépendance d’esprit pour proposer cette saturation légère qui se trouve hors-la-loi par rapport aux règles alors utilisées dans le monde du Metal.
Tout aussi loin des clichés du genre se situe la voix de Quorthon, qui n’est certes pas le plus grand chanteur de la création, mais qui parvient à tirer le meilleur suc possible de son organe limité. Seuls les plus rabat-joies pourront cracher leur venin sur "Song To Hall Up High" et ses légères fausses notes.
Ceux qui voudront apprécier l’œuvre dans sa totalité se pencheront sur les paroles et s’apercevront de l’intérêt des textes tournant autour du même concept.
Le fait que ces sept chansons épiques, relatant de temps aujourd’hui oubliés aient été enregistrées dans un sinistre garage pompeusement baptisé "heavenshores studios" ajoute encore à la magie de l’œuvre.

Ne soyons pas trop aveuglés par tant de qualités, ce disque n’est pas parfait. Le principal reproche que je lui trouverai est le manque de progression dans la construction des morceaux qui ont parfois tendance à traîner un peu en longueur. Mais arrêtons-nous là ! Ne gâchons pas notre plaisir.

"Hammerheart" est un classique parmi les classiques et un monument unique en son genre. Mais, trêve de poncifs, achetez-le si vous ne voulez pas que Thor fasse tomber la foudre sur vos misérables carcasses.