Chroniquer un nouvel album de BON JOVI en 2024 pour le fan exigeant est un exercice difficile, tiraillé qu'il est entre l'affection qu'il porte à ce groupe depuis ses débuts en 1984, et l'intérêt très limité qu'il a pour lui depuis le départ de son guitariste Richie Sambora en 2013 et la musicalité qui en a suivi. Un album qui sort tous les quatre ans, sans aucun recul ou presque, avec une ligne directrice qui n'en est plus vraiment une. Dave et Tico étant des suiveurs, il n'y a qu'à regarder les pauvres interviews où les deux membres restants et fondateurs abondent toujours dans le sens de leur chanteur et patron sans jamais exprimer la moindre remarque, et le Mulk trouve cela très déplorable, voire pitoyable… Voir Tico dire que le plus important pour lui est d'écrire des chansons en commun est ainsi surréaliste, pensez donc, la participation du batteur à un titre du groupe en tant que compositeur remonte à "7800 Fahrenheit", seconde galette du groupe à l'époque en 1985 !

En réalité, le chanteur despote de 62 ans a désormais son backing band, ce qu'il a toujours voulu et son rêve se réalise aujourd'hui puisqu'il pose fièrement seul sur les pochettes des deux derniers albums, et au milieu de pas moins de six musiciens à l'intérieur du livret, dont le producteur John Shanks et du percussionniste Everett Bradley, la messe est dite, on touche le fond. On avait aperçu un soupçon de groupe à la sortie de "This House Is Not For Sale" où l'on voyait juste Jon, Tico, Dave, Hugh et Phil X sur les photos officielles, mais ce n'était juste que pour faire rugir Richie, mais vu la personnalité du bonhomme, ça a du lui en toucher une sans faire vibrer l'autre !

Alors ce nouvel opus me direz-vous ? Ok, on y vient, c'est franchement pas terrible hein ? Non ? Ben si, les mélodies sont molles, tout comme le mix, une constante depuis longtemps. Le premier single "Legendary" est d'une platitude affligeante avec son refrain mille fois entendu et sa production très légère, soupir… "The People's House" s'en sort mieux avec son rythme entraînant et enfin, enfin un solo ! Assez inspiré et concis comme savait le faire si bien Richie, imaginons donc que c'est Phil X qui s'en est chargé, guitariste qui fait très bien le job et qui respecte son prédécesseur. Toutefois la confusion est totale puisque Shanks participe activement lui aussi aux guitares en studio et en live, un backing band qu'on vous dit, et c'est très regrettable sauf pour le désormais grisonnant chanteur et son ego démesuré. Mais ce qui chagrine le plus le fan de base dont le Mulk fait partie est ce chant linéaire sans aucune envolée lyrique comme à la grande époque. Alors oui, il est vrai que Jon a subi une intervention chirurgicale assez lourde il y a deux ans remplaçant ainsi une partie de son larynx avec une pièce en plastique, ok mais dans ce cas, pourquoi ne pas prendre son temps et sortir un album plus tard ? Ben non, soupir à nouveau… Un groupe comme BON JOVI qui a quarante ans de carrière cette année, ne devrait-il pas prendre son temps et proposer quelque chose de convenable pour l'auditeur et surtout pour le fan ? D'autant que ce dernier est bienveillant et patient lorsqu'il s'agit de son groupe de cœur.

"Living Proof" essaie de faire revivre le passé glorieux de la bande avec sa talk box omniprésente mais cela ne fonctionne plus, le chant, même diminué, n'a plus cette profondeur et ne provoque plus aucune émotion. On peut toutefois concéder que les refrains catchy et fédérateurs sont plus présents sur cet album mais avec parcimonie. Les ballades, quant à elles, sont plus mielleuses et mièvres qu'elles ne l'ont jamais été auparavant, à commencer par "Kiss The Bride" dédiée à sa fille qui s'est mariée récemment, et qui nous donne envie d'aller se coucher. Encore une fois, sur un album solo, cette chanson n'aurait pas dénaturé mais on a bien compris maintenant que le groupe, qui en était un avant le départ de Sambora (et ce même si ses membres ont toujours été salariés), se résume au chanteur. À partir de là, il est très difficile d'apprécier la musicalité qui en émane sans se faire l'avocat du diable. Et que dire de "Hollow Man" où il nous narre comment il a réussi depuis ses débuts dans le brouillard du New Jersey, et où il est franchement à la peine vocalement alors que la chanson, plutôt acoustique, ne nécessite pas des trésors d'ingéniosité vocale ! La cerise sur le cake est qu'il affirme être un "one man band" ! Non mais quel manque de respect pour Dave et Tico, et aussi Hugh dans une certaine mesure, qui l'accompagnent depuis le début !

On parle de "Living In Paradise" co-écrite avec Ed Sheeran, vraiment ? Si la chanson en elle-même n'est pas foncièrement mauvaise, l'artiste anglais étant très talentueux dans son domaine, ici la biscotte beurrée tombe à terre du mauvais côté, trop Pop, trop formatée, même pour BON JOVI. "Waves" lorgne une fois de plus vers Springsteen avec un solo presque Hendrixien mais qui en est l'intervenant ? On en sait rien et on en revient au problème initial, qui joue quoi ici ? D'une manière générale, il manque une certaine envie d'en découdre, de la passion, car après tout en studio tout est possible de nos jours, mais non, on a affaire à du Rock US pépère, qui se repose sur ses lointains lauriers, même si les arrangements restent très bons dans l'ensemble. La production est ce qu'elle est mais après réflexion la faute n'est pas vraiment attribuable à John Shanks, Jon Bon Jovi doit sans doute dicter sa vision au producteur puisqu'il est partie prenante de A à Z. "Seeds" en fait d'ailleurs les frais, plate, monotone…

Le Mulk reste impartial quant à son groupe de cœur, parce qu'il est question d'éthique, d'héritage musical, et qu'il attache une grande importance aux membres qui en ont fait l'histoire, il n'est pas contre l'idée que les choses changent et que la musique peut être appréciée dans un contexte différent, mais en toute objectivité, cet album est, une fois de plus, très décevant.