The BLACK DAHLIA MURDER est devenu, en près de vingt ans de carrière, LE symbole du Death Mélodique the American way.

Plus qu'aucun autre groupe, il représente la remarquable capacité de la scène US à avoir su, au tournant du troisième millénaire, catalyser à la fois le Melodeath made in Gothenburg et les influences Death Metal et parfois Deathcore typiques à son pays d'origine. Une formation sachant (efficacement) "chugger" et dissoner mais sans jamais oublier de "riffer" un max. Tous, absolument tous les albums des cinq du Michigan contiennent leur lot de riffs qui tuent, apportant un supplément de mélodie à une musique qui reste foncièrement agressive. En d'autres termes, jamais la multitude de riffs contenus dans ses disques n'a diminué la brutalité du Metal du quintette, ni son côté sombre. Jamais jusqu'à cette année 2020, en tout cas.

Parce que "Verminous", neuvième album studio du combo de Détroit, semble marquer une forme d'assagissement, voire de "désextrémisation" du Metal de The BLACK DAHLIA MURDER. C'est vrai, quoi, la formation n'a jamais parue aussi peu extrême que sur ce nouvel opus. À tel point que même les amateurs de Heavy ou de Power Metal peuvent trouver bien du charme à ce disque-là. Oui, oui : si vous aimez le Heavy, le Power ou le Metal teinté de Néoclassique (quoique moins présent ici que sur "Nightbringers" et "Abysmal"), jetez-y une oreille, je vous assure que, malgré les vocaux de Trevor Strnad, toujours extrêmes, eux, vous craquerez pour bon nombre de morceaux parmi la dizaine que compte ce L.P.

Un longue durée qui vient consacrer le travail du dernier arrivé dans le groupe, le jeune (et ancien guitariste d'ARSIS) Brandon Ellis, dont les influences néoclassiques peuvent jaillir à tout moment de son instrument et qui a carrément pris en main (une grosse partie de) la composition ainsi que la production sur "Verminous". Et cela, sous le haut patronage du boss de Metal Blade, Brian Slagel lui-même, qui continue de faire confiance à The BLACK DAHLIA MURDER dix-sept ans après avoir accueilli la formation dans sa prestigieuse écurie, et avec l'aide, au mixage, de l'éminent Tue Madsen, patron des Antfarm Studios d'Aarhus (enfin, de sa banlieue Aabyhoj), au Danemark.

Surtout, un longue durée qui, comme souligné plus haut permet à Ellis de donner une coloration non moins sombre mais clairement plus Heavy au Death Mélo de The BLACK DAHLIA MURDER. L'homme semble d'ailleurs s'être consacré davantage aux morceaux les plus Heavy de ce disque, au détriment des compositions les plus extrêmes, et c'est ce que je suggérais en évoquant l'assagissement de la musique de TBDM. Enfin, non : Ellis s'est également consacré pleinement aux soli de guitare, sa marotte, tous remarquablement exécutés ici. Mais en ce qui concerne les riffs, ce sont bien les plus Heavy d'entre eux qui ont été les plus soignés, c'est indéniable. Tant et si bien que ce sont les morceaux sur lesquels ils apparaissent qui restent en tête sur "Verminous" : ils volent totalement la vedette aux titres les plus brutaux.

À commencer par le premier extrait officiel de l'album, "Removal Of The Oaken Stake" (et non pas "The Oaken Skate", on parle d'un pieu de chêne planté en plein cœur, ici, pas d'une planche à roulettes !). Voilà un mid-tempo très (très) efficace et interprété d'une voix de maître par un Trevor Strnad qui crache d'autant mieux ses textes que c'est lui qui les a écrits. Le portrait fictif qu'il nous narre prend toute sa dimension sur les riffs prenants de Brandon Ellis. Et le côté Heavy de la musique ainsi que les vocaux de Strnad, désormais bien plus axés sur le scream aigu que sur le growl, renonçant ainsi à l'équilibre des deux types de chant dont il faisait preuve par le passé, donnent une apparence plus CRADLE OF FILTHienne que jamais au Metal de The BLACK DAHLIA MURDER.

Certes, le spectre du combo anglais avait toujours plus ou moins plané au-dessus des cinq du Michigan depuis la sortie de "Everblack", mais "l'heavysation" de son Metal, l'importance prise par les vocaux criards et le fait que le tremolo picking sonne régulièrement plus Black que Melodeath sur ce neuvième album ajoute à cette saveur FILTHienne prononcée. Il suffit d'entendre le superbe "The Wereworm's Feast", point culminant de ce disque selon moi, pour s'en rendre compte : même l'élocution de Trevor Strnad a des accents de Dani Filth ici. The BLACK DAHLIA MURDER gagne en dramaturgie sur cet album et c'est d'ailleurs l'un des principaux atouts du côté Heavy renforcé par Brandon Ellis.

Cet aspect dramatique augmenté permet ainsi à "Sunless Empire", bien Heavy lui aussi et doté d'un splendide solo, de s'élever au-dessus de la mêlée – même s'il semble fondu dans le même moule que "Removal Of The Oaken Stake" et "The Wereworm's Feast" – et à "Dawn Of Rats" de conclure l'album sur une note très positive. D'autant plus positive que cet ultime morceau rappelle, cette fois, les liens forts de The BLACK DAHLIA MURDER avec le Melodeath à la suédoise, avec ses faux-airs de DARK TRANQUILLITY. Une heureuse façon de boucler une boucle qui semblait ne pas pouvoir se boucler correctement tant le côté Heavy prononcé de l'album risquait d'emmener TBDM un peu loin de ce à quoi il nous avait habitué jusqu'ici. Enfin, "loin" est un grand mot : l'on reste en territoire Death Mélodique tout de même, et ce, tout au long du disque.

Un Death Mélodique qui, soustrait des titres les plus Heavy, s'avère toutefois un peu convenu. Des compos comme "Verminous", morceau-titre qui aurait mérité meilleur sort avec son démarrage à la "In Hell Is Where She Waits For Me" (ouverture de "Everblack"), et "Godlessly" apparaissent quelconques au regard de ce qui suit. Du solide et de l'appliqué, mais sans génie, ni flamme d'aucune sorte. La preuve : leurs riffs passent totalement à l'as une fois que l'on a entendu ceux des quatre titres disséqués dans les précédents paragraphes de cette chronique. Plein de groove et doté, lui, d'un riff accrocheur, "How Very Dead" s'en tire mieux. Mais seuls "The Leather Apron's Scorn" et surtout "Child Of Night", sur lesquels Trevor Strnad retrouve son growl guttural, surnagent vraiment parmi le reste des morceaux.

C'est notamment parce "Child Of Night" mêle pertinemment l'aspect Heavy appuyé par Brandon Ellis et les fondamentaux plus Death Metal qui sont, depuis toujours, ceux de The BLACK DAHLIA MURDER, que ce morceau remporte les suffrages. En présentant une synthèse de ce que les cinq du Michigan offrent de meilleur sur ce neuvième album, cet "enfant de la nuit" démontre que la formation américaine avait de quoi apporter plus de cohérence et de cohésion à un "Verminous" qui ne manque pas de qualités, mais qui ne les exprime pas aussi fréquemment qu'on le souhaiterait. Résultat : un album en dents de scie, avec de superbes hauts et des creux bien moins enthousiasmants. Mais un bon album tout de même, qui saura toucher un public un peu plus large que celui que The BLACK DAHLIA MURDER avait su réunir jusqu'ici.