Einar Solberg a avoué aux médias après la venue de son cinquième disque, "Malina", que LEPROUS cherchait encore sa « vraie identité ». Les Norvégiens ont évidemment été assaillis de questions sur leur style qui, on le sait, était pas mal plus lourdingue que maintenant au sortir du placenta. "Malina" était plus Prog que Metal et beaucoup moins avant-gardiste que les trois premiers efforts du groupe, dont les excellents "Bilateral" et "Coal". "The Congregation" quant à lui tanguait entre ces deux ports, sur un océan d’incertitude. C’est à ce moment que LEPROUS est devenu, autant pour moi que des millions d’auditeurs, un peu chiant, car décousu.

Avec "Pitfalls", il fallait que les anciens protégés d’Ihsahn se remettent les yeux en face des trous. Pas qu’ils cassent la baraque, qu’ils se branchent sur une ligne créative pleinement assumée et excitante. Un artiste sûr de lui et droit dans ses pompes est plus agréable à admirer et applaudir qu’une girouette en expérimentation constante. Alors ? David ou Goliath, ce "Pitfalls" ?

Plus ordonné et conséquent serait ma principale remarque. Si on sentait une envie de baisser de régime et de se vautrer dans des morceaux spongieux et sirupeux sur "Malina", on a enfin sur cette nouveauté une confirmation de disposition. C’est désormais clair, autant que ce soit un épithète lui collant à la peau, que LEPROUS vise la beauté des mélodies et l’efficacité émotionnelle au détriment de la technicité, de la maigre agressivité et des bizarreries de ses premiers albums. Ainsi se déroule cette quête d’un son hyper moderne, d’une « vraie identité ».

Et sur "Pitfalls", c’est un pari rempli. Il était temps !

LEPROUS plonge sans détour dans ce genre popularisé par les RADIOHEAD et PORCUPINE TREE, soit un Rock Prog ambiant aux accents Pop et lyriques. Bien sûr, ce dernier qualificatif est explicable en grande partie grâce au chant unique d’Einar Solberg, un des meilleurs vocalistes de sa génération, qui arrive à maîtriser toutes les ambiances, qu’elles soient feutrées dans les très nombreuses parenthèses fragiles ("Observe The Train"), ou plus dynamiques dans les refrains, marque de commerce de LEPROUS. Les guitares hurlent rarement et quant elles se le permettent, on mange du riff au poids plume comme sur "Foreigner", espèce de vestige du passé récent des Norvégiens qui tranche avec le cœur et l’âme de l’album. Le reste est une musique un chouïa entraînante ("By My Throne", "At The Bottom"), très sympathique ("Alleviate" et son super crescendo), touchante de temps à autres ("Below", "Distant Bells") et au potentiel de charme assez élevé.

Les artères principales sont assez chargées de vitamines multicolores pour nourrir cet organisme bien en santé que LEPROUS traîne sur les scènes du monde entier. La machine est bien huilée et heureusement calibrée vers la bonne destination : un « Metal » Prog qui berce de ses jolis airs plus qu’il ne surprend par ses pirouettes. Certes, les Norvégiens ont encore envie de pousser le bouchon du Prog dans des pièces plus longues et alambiquées telles que "The Sky Is Red", mais pas au même niveau de ce qu’on a déjà entendu. Non, à bien y penser, le vœu de Solberg commence à prendre forme, le groupe s’est bien regardé dans le miroir !

Si "The Congregation" et "Malina" ne trouveront probablement jamais plus le chemin de ma platine, le scénario sera différent avec "Pitfalls". La créativité de LEPROUS est de retour au sommet et je suis plus que motivé de voir comment ces talentueux Scandinaves sauront capitaliser sur cette œuvre. Si leur prochaine sortie s’avère un coup d’épée dans l’eau, on aura au moins pu rêver au retour de la magie des débuts…

Note : 3,5/5, arrondie au supérieur pour la prise de conscience.

Podium : (or) "Observe The Train", (argent), "Alleviate" (bronze) "The Sky Is Red".

Indice de violence : 0,5/5.

(*) À noter qu'une version deluxe est dispo et contient deux morceaux boni.