"¡¡Que Corra La Voz!!" est certainement l’opus le plus « bourrin » du groupe, qui a opté pour une tendance Punk cuivré plutôt que Ska Punk, contrairement aux albums précédents.

Pourquoi parler d’album bourrin ici ?
Ce n’est pas non plus du Punk Hardcore, mais pour SKA-P, cette galette est musicalement plus lourde que les précédentes. "Planeta Eskoria" avec ses hymnes aux paroles bien senties, tels que "A La Mierda" ou "Mestizaje", est certainement l’album le plus abouti du groupe, mais au niveau pêche, il ne fait pas le poids face à une "Estampida" retentissante qui introduit ce skeud.

Dès les premières notes le ton est donné : le Punk se fait une place confortable au milieu des cuivres et des riffs Ska, pour envoyer à l'auditeur une bonne dose d'énergie révolutionnaire ("¡El pueblo unido jamás será vencido!"). Si c'est ce qui vous intéresse, alors vous pouvez enfiler votre keffieh et venir pogoter sur "Intifada", titre dénonçant les agissements d'Israël en Palestine et accessoirement le plus musclé de l'album, de par son départ en fanfare, ce riffing incisif et ses chœurs. Et si le keffieh vous sied si bien, vous pouvez le conserver pour descendre dans la rue au son de "Solamente Por Pensar", toujours majoritairement Punk mais légèrement plus festif dans l'esprit qu'un "Intifada". Pourtant le sujet de ce morceau n'est pas moins sérieux que le conflit israélo-palestinien, les Espagnols dénoncent ici les violences policières en rappelant l'assassinat par balle du manifestant altermondialiste italien Carlo Giuliani lors des émeutes anti-G8 en 2001. "El Niño Soldado" vient également s'inscrire dans la liste morceau "Punk Rock cuivrés, tout comme "Insensibilidad", où le Ska et le Punk sont présents en proportions équivalentes, ainsi que "Mis Colegas". Et puis surtout vous avez "Welcome To Hell" ! Où les cuivres ont une importance toute particulière pour créer cette impression de tension et d'urgence (merci les riffs Ska aussi), où Pulpul semble enragé sur certains couplets (ahhh l'espagnol chanté très vite sur du Punk c'est radical) et bien évidement sur le refrain, et où le break vous fera aussi bien jumper qu'headbanguer.

Les SKA-P ont toujours eu un esprit Punk et même lorsqu'il ne s'entend pas musicalement, c'est dans les textes qu'il fait son petit effet. Dans ce genre-là, "Consumo Gusto" est intéressant, parce qu'il faut mettre en relation ces deux éléments pour saisir son potentiel critique et comique (dans le même temps). Musicalement c'est du Ska Punk ultra festif, avec cet accordéon qui joue une petite mélodie enjouée, les petites interventions random du groupe, les lignes de chant de Pulpul : ça sonne joyeux. Et ben c'est fait exprès pour coller au texte ironique, où un mec nous raconte gaiement qu'il est un esclave de la société de consommation (grosso modo : il fait une liste interminable de services et biens achetés / consommés et la morale de l'histoire c'est "puto dinero", ou "putain d'argent"). Même si vous bitez que dalle en espagnol je trouve qu'on le ressent quand même bien ce côté "mes goûts et achats me sont dictés par le marketing, youpi !". Il faut dire aussi que le titre "Consumo Gusto", qu'on pourrait traduire par un truc du genre "Je consomme avec plaisir", est un jeu de mots avec l'expression "con sumo gusto" qui signifie "avec grand plaisir", donc forcément tout est fait pour qu'on ait cette impression, et c'est réussi !

Dans un style un peu plus rentre-dedans (textuellement surtout) on trouve aussi "Esquiról". Alors musicalement c'est un peu le dawa, on trouve du Ska du Punk et de l'accordéon qui débite des mélodies qu'on dirait sorties droit du folklore basque. Mais textuellement c'est clair ! Pipi (que vous entendrez ici beaucoup plus distinctement que partout ailleurs) et Pulpul se renvoient la balle pour critiquer les "briseurs de grèves" de façon acerbe ("lèche-culs du patron", "notre humiliation", "le patron t'attend pour une bonne fellation"…) mais toujours avec une pointe d'humour (les chœurs a cappella, le final). Mais le summum du délire chez SKA-P c'est "Casposos", une critique drôle et cinglante des guérisseurs, voyants et charlatans en tout genre, où le Christ et la Vierge sont sur un Vespa et après avoir fumé quatre pétards et bu trois litres de vin, s'en vont partouzer gaiement, tandis que musicalement ça change de rythme très régulièrement dans une ambiance toujours au beau fixe.

Les deux titres plus Ska de l'album, "McDólar" et "El Olvidado", quant à eux, sont légèrement plus traditionnels pour du SKA-P. J'irai pas jusqu'à dire qu'ils cassent la dynamique des autres morceaux, parce qu'ils sont tout à fait acceptables, mais ils sont un peu en-dessous des autres, même si "El Olvidado" se démarque un peu de par son groove, ses lignes de basse, son solo et son saxo.
En résumé c'est un deuxième sans-faute d'affilée pour le groupe !

"Planeta Eskoria" était très complet et semblait difficile à égaler, mais les Espagnols nous proposent ici un album qui répond à toutes les attentes qu'on pouvait avoir après leur précédent skeud. Les plus branchés Ska Punk préféreront "Planeta Eskoria", ceux qui préfèrent quand c'est plus direct choisiront ce "¡¡Que Corra La Voz!!" pour l'énergie brute qui se dégage de cette galette grâce à la dominance Punk.

Et c'est également sur cet album que le groupe marquera, après une ultime tournée, une pause d'environ deux ans. Heureusement ils n'ont pas encore décidé de raccrocher !