SKA-P restera un groupe éternellement lié à mon adolescence, quand le monde qui m'entourait alors me guidait tout naturellement dans une posture d'opposition à l'ordre établi (même si j'étais loin d'être un révolutionnaire), les élections d'avril m'avaient sans doute traumatisé, même si j'avais quand même envie de frapper Damien SAEZ. SKA-P fut mon compagnon de l'été pour mes dix-sept ans, quand je connaissais de grandes premières, et que TRYO cartonnait avec "Mamagubida". Une copine me gravait (oui en 2002 on faisait comme on pouvait) un best-of de SILVERCHAIR, sur lequel elle n'omettait pas d'inclure plusieurs extraits du premier album de MUSE. Mes premières répétitions avec les membres d'un groupe de Ska Punk, avec les trois-quatre notes de basse que j'étais capable d'aligner sur du BLINK-182 ou du OFFSPRING, et enfin la fiesta pour mes dix-huit ans, où j'essaie de me torcher la gueule et tire sans le savoir une latte sur un pet de shit dégueulasse…

Voilà une mise en contexte. À l'époque où l'USB ne fait pas la loi, chacun ramène ces disques pour ma chaîne hi-fi qui ce soir montre que malgré son acquisition d'occase elle en a dans le ventre. Mon pote Julio, spécialiste en compilations (j'ai toujours ses cassettes qu'il nous gravait, où son sens des enchaînements inné lui aurait sans nul doute mieux valu une carrière en radio qu'à la Poste – c'est tout de même grâce à lui que j'ai pris la claque "Made In Japan" sur le double-vinyle de son père) arrivait à lors à court d'idées, et toujours ma pote Caro, bien plus dévergondée que ce que les apparences laissaient supposer, glisse un gravé (elle avait de l'avance sur pas mal d'entre nous en fait) dans la chaîne avec marqué en gros SKA-P.

Qu'est-ce à dire que ceci ? Et bien je comprends que je connaissais déjà très bien "Cannabis", joyeux souvenir ramené d'Espagne, où nous nous étions amusés à duper nos profs accompagnateurs pour aller traîner dans les chaudes soirées de Grenade. "Cannabis" et son exercice de prononciation terrible "Yo te quiero marihuana" répété inlassablement. Le sous-sol des parents devient ardent, et le Ska Punk en deux temps de "El Vals Del Obrero" devient mon hymne.

¡Resistencia!

Mais j'apprendrai plus tard que ces deux extraits font partie du deuxième opus des Espagnols. En attendant, à côté de SKA-P est écrit presque en aussi gros : ¡¡Que Corra La Voz!! – le titre du quatrième album, sorti six mois plus tôt. Et là c'est le coup de foudre direct. "La Estampida", "Welcome To Hell", mais surtout "Solamente Por Pensar" font mouche instantanément. Il est possible de proposer une musique festive et ensoleillée, mais qui accommode très bien le Punk viscéral que j'aime chez NIRVANA (même si toute notion de terminologie est à l'époque des plus floues, je ne connais encore aucun grand du Hard Rock à part DEEP PURPLE, QUEEN et SCORPIONS).

Et avec le recul, ce disque de SKA-P était parfait pour me faire aimer le groupe, puisqu'il reste à ce jour le plus Punk au niveau du son, même si son successeur proposera quelques coups de semonce bien véners. Et n'importe quel amateur de musique puissante et mélodique ne pourra que tomber sous le charme de "Intifada", qui reste haut la main ma composition préférée de ce disque, avec ses chœurs à la OFFSPRING, son texte frondeur et direct (une constante à l'époque chez SKA-P, qui n'hésite pas, ni à se foutre de la gueule de certains ("Consumo Gusto", "Esquiról"), ni cracher à la gueule de tout ce système (*) sur un "Solamente Por Pensar" ou un "Welcome To Hell" avec l'accent anglais du cru assez exotique.

¿Quien podría imaginar que David fuese Goliath?

(*) Merci Bernie pour ce manifeste d'une concision et d'une autorité rare ("Préfabriqués" – 1979).