Cinq ans après la sortie de leur septième opus "Lágrimas Y Gozos", les joyeux lurons de Vallecas reviennent en force avec cette galette nommée 99%. Un titre pas spécialement accrocheur mais qui a une signification et pas des moindres : les 99% représentent le prolétariat, sous-entendu qu’il reste 1% de patrons pour exploiter cette masse populaire.

Toujours révoltés les Espagnols abordent une fois de plus des sujets actuels (désinformation des médias, passivité du citoyen lambda face aux injustices de la vie quotidienne…) et incitent à la révolution festive. Musicalement par contre c'est pas ultra flagrant mais il y a quelques changements par rapport à "Lágrimas Y Gozos". Si si je vous assure que c'est vrai, même si des "Canto A La Rebelión", "Oniomanos", "Marinaleda" et "Radio Falacia" pourraient facilement me contredire, tant ils s'inscrivent dans la continuité Ska Punk du groupe.

Déjà de manière générale on s'aperçoit que le groupe s'est un peu calmé. Alors ça ne peut que crever les oreilles sur "África Agónica", le titre Reggae Dub qui conclut cette galette sur une note légèrement mélancolique (il porte sur l'exploitation des ressources du continent africain et sa décolonisation, forcément c'est pas la fête du slip), mais on peut aussi s'en rendre compte sur "Bajo Vigilancia" qui se révèle un peu poussif malgré ses effets de clavier modernes, presque Electro par moments, et son refrain aux lignes de chant un peu plus Pop (dans une certaine mesure hein quand même) qu'à l'accoutumée. "Maquis", le titre suivant, surprend aussi avec son intro à la guitare acoustique. SKA-P s'essaye à la ballade ? Non faut pas déconner, le titre devient un peu plus pêchu autour de une minute, mais malgré les "¡no pasaran!" et autres appels à rejoindre la "lucha antifascista" le fond musical reste quand même bien en-dessous d'un "A La Mierda" en terme d'énergie déployée.

Bon je vous rassure le groupe ne s'essouffle pas non plus totalement, en témoigne un "Ciudadano Papagayo", qui est pour moi le titre le plus musclé de cet album. La guitare prend ici des sonorités qui semblent tirées du précédent skeud ou de "¡¡Que Corra La Voz!!" et le refrain comporte des chœurs plutôt virils, se rapprochant là aussi de ce qu'on peut trouver sur des "La Colmena" ou "Intifada" en terme d'intention. Dans la même veine on a aussi "Se Acabó", avec son côté presque éthéré sur l'intro mais qui débouche rapidement sur un refrain à reprendre à gorge déployée (et le poing levé). Et on a aussi dans une certaine mesure le titre d'intro "Full Gas", qui rappelle plutôt les morceaux les plus foufous / bordéliques de la bande à Pulpul, ou "Ska-Pa" qui renvoie aux titres les plus typés Ska, notamment grâce à ce saxo bien prononcé.

Mais le principal changement entre ce "99%" et son prédécesseur s'effectue au niveau des arrangements. Depuis leurs débuts les arrangements chez SKA-P ça se résume à des cuivres qui font "pouet" et un clavier qui plaque des accords Ska / Reggae basiques mais ici on a quelques subtilités supplémentaires : le break de "Ska-Pa" avec ce son de piano, les chœurs d'enfants sur "Alí Babá", l'intro et le final de "¿Quienes Soís?" ainsi que ses violons inattendus qui débarquent sur le break. D'un point de vue global ça reste de légères modifications apportées à la musique du groupe mais si on pousse la réflexion cela peut aussi signifier qu'il est en train d'aborder une nouvelle voie.

Après vingt ans passés à jouer du Ska Punk engagé et enragé peut être que le groupe a aussi envie d'explorer petit à petit de nouveaux territoires musicaux et d'embarquer ses trouvailles dans sa mixture de base pour l'enrichir et la diversifier un petit peu plus ? De mon point de vue cette idée ne pourrait qu'être salutaire pour les compos de la formation, qui semble avoir fait le tour de ce que le Ska Punk pur peut lui apporter. La preuve, ici ce sont les morceaux les plus "traditionnels" qui sont les moins percutants ("Victoria" en est l'exemple type).