OBITUARY est de retour. Et cela vous fait une belle jambe, direz-vous. Car quel autre dinosaure du Death Metal peut apparaître aussi fossilisé dans la préhistoire de ce genre musical ? Le combo des frères Tardy semble ancré pour toujours en 1989… pour qui dédaigne poser une oreille sur ce que propose le groupe en 2017. Car j’ai été tout aussi surpris que vous, qui ferez, faites ou avez fait cet effort d’écoute. Chuuut ! C’est discret. Cela se remarque à peine. Mais, oui : OBITUARY évolue.

Étrange choix que celui de l’éponymie pour intituler un album aussi "différent" de l’OBITUARY classique. Généralement, une telle démarche renvoie à l’essence même du groupe qui l’adopte. Ou bien, dans certains cas, cela correspond à une réinvention, un nouvel élan, à tout le moins une évolution stylistique. Sans doute est-ce le cas ici. En choisissant de baptiser son dixième album studio de son nom propre et d’orner sa pochette de son logo sur fond noir, avec pour seule "fantasy" la présence d’un dragon le surmontant, OBITUARY veut sans doute souligner que ce que l’on trouve sur cet album correspond bien à ce qu’il est aujourd’hui.

C’est-à-dire un groupe toujours aussi porté sur le groove, sur les vomissements de John Tardy et sur des inspirations CELTIC FROST-iennes venues de son identité précédente, XECUTIONER. Mais aussi un groupe qui a ajouté une dose supplémentaire de Thrash à son propos et un soupçon de Heavy. De bon goût puisque cet album fait taper du pied plus que jamais ; du moins, plus que naguère. OBITUARY ne s’est jamais réellement pris au sérieux mais avec cette nouvelle démarche, la formation floridienne s’amuse davantage que sur ses précédents efforts.

Avoir lâché la bride de son "nouveau" guitariste lead, Kenny Andrews, leur a semble-t-il fait le plus grand bien. Pour rappel, le garçon a fait partie du groupe d’ANDREW W.K., qui sait comment s’éclater, ainsi que de PAIN PRINCIPLE, dans sa période Thrash/Groove, et d’AZRAEL, groupuscule de Thrash de la fin des 80s n’ayant jamais sorti que des démos. En plus de ce bagage, Kenny Andrews affiche un goût certain pour les soli mélodiques et les twin-guitars. Il suffit d’écouter “Sentence Day” qui, après un “Brave” déjà fort thrashy à la mode 80’s, déboule avec encore plus de Thrash dans les veines et quelques sonorités réminiscentes de la NWOBHM.

Ces leads qui s’enchaînent ! Ces guitares jouées en harmonie ! Le PRIEST habiterait-il OBITUARY ? Et cette reverb à l’ancienne ! Tous les ingrédients d’un bon morceau, bien fun et qui file la banane. En fait, OBITUARY donne le sourire sur ce disque éponyme. Quand d’ordinaire on fait la gueule tellement le groupe nous présente toujours la même sauce. “A Lesson In Vengeance” aussi propose du Heavy déguisé en Death Metal. Avec encore un super solo bien mélodique, qui tranche avec ceux, plus shred, des précédents lead gratteux du groupe. “End It Now” attaque quant à lui sur de bons plans Death/Thrash.

À ce stade, il convient de rappeler que la voix de Tardy est idéale pour ce genre de musique, avec cet écho suranné, ce grain typique, au bord du growl et du hurlement dans son vomissement habituel. Toutefois sans les extrémités auxquelles il s’abandonnait sur “Slowly We Rot”. Le groupe propose beaucoup de morceaux mid-tempo sur cet album. “End It Now”, “Kneel Before Me”, beaucoup plus Death old school, permettent d’ailleurs à la basse ronronnante de Terry Butler de s'exprimer à l'ouï de tous. “It Lives” en témoigne, pesant et riche d’ambiances créées seulement à coups de guitares/basse. C’est simple mais ça fonctionne, comme une B.O. de film de zombies, qui rampe et finit par vous attraper quand même.

OBITUARY s’amuse, vous dis-je, et “Betrayed” en est l’exemple type. Ce titre nous emmène assez loin du Death avec son riff de guitare principal, qui n’est même pas dans les tonalités mineures prépondérantes dans le genre. Ce pourrait être un morceau de Neo Metal ou de Groove Metal si ce n'était pour la voix caractéristique de John Tardy. Mais arrivé “Turned To Stone”, l'impression de fraîcheur de cet album s’essouffle. En même temps que l’inspiration du groupe, en fait. Un morceau plat, sans idée de rythme, de riff, d’ambiance. Même le solo sonne ici un peu cliché.

Le reste est du même acabit. Pas grand-chose à sauver dessus, à part la deuxième partie sludgy de bon aloi de “Straight To Hell”, avant la reprise du riff principal qui tourne à la jam session. Mais réjouissons-nous ! Le Metal est ainsi fait que même un artiste dont on n’attend vraiment plus rien depuis très longtemps parvient encore à surprendre. Est-ce la grâce des changements de line-up, la maturité évidente des membres, l’envie de ne pas retourner en studio pour pondre inévitablement le même album qu’il y a trois ans, huit ans, dix ans ? Sans doute un peu de tout cela à la fois.

OBITUARY est donc revenu en 2017, et pas égal à lui-même. Félicitons-le, et nous-mêmes à cette occasion. Tant qu’une autre croûte ne viendra pas noircir à nouveau le tableau d'une carrière bientôt trentenaire sous ce nom qui a fait la légende du Death floridien.