On a tendance à trouver des excuses à nos vieux groupes comme quoi après tant d’années c’est bien normal de bander un peu mou, de riffer moins durement et de se traîner un peu en studio. On peut être complaisant (en un mot), tant il est vrai qu’on ne peut pas pondre un "The Sentinel" tous les quatre matins et que l’inspiration que nécessite un morceau comme "Hallowed Be Thy Name" ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Tout s’use, ma bonne dame. L’inspiration comme l’envie. Le vieillissement fait partie du processus « naturel » d’un groupe. Si la légende est éternelle, elle s’écrit dans le passé pendant que le présent se charge de nos héros, les affecte de cheveux gris, de bedaine et de « plus rien à dire ».

Pour autant, il n’y a pas une quantité limitée de riffs sur terre, ni de couplets assassins. Non, les possibilités sont infinies et flottent dans l’air autour de nous. N’importe quel groupe un peu motivé saura les saisir pour reprendre le flambeau, marcher sur les traces de feu nos groupes. Faut juste un peu de volonté, de travail, d’envie, de fraîcheur et c’est sous cet angle du « tâcheron courageux et volontaire » que je vous vends présentement ce « Mort par le Feu » d’ENFORCER (-moi là bien profond).

Point de génie, donc. Juste du plaisir, celui de jouer volontaire un truc « oldschool » qui vous va bien au teint. Pas question d’autre chose. ENFORCER pratique une sorte de Speed Heavy, croisement illégitime d’un IRON MAIDEN survitaminé et des premiers HELLOWEEN (période "Walls Of Jericho" pour être précis). Suffit de vous mettre "Satan" dans les esgourdes pour comprendre l’heureuse parenté. Sur le fond, du super-has-been avec voix criarde, parties de grattes rétro et ambiance 80’s presque partout. Sur la forme, ENFORCER s’est quand même doté d’un son assez moderne, lisse, propre comme une toile cirée.

Style trouvé.
Reste le reste : les compos.

Là encore, difficile de bouder son plaisir, ENFORCER a bossé, tenté de structurer et a même trouvé de l’inspiration à droite et à gauche. Prenez "Sacrified" (l’archétype de l’album) : introduction orageuse, premier solo qui émerge sur fond d’arpèges, puis explosion, gros riffs, accélération, couplets, break puis re-accélération… Non seulement ça fonctionne, mais c’est fondamentalement plaisant pour tout amateur de Heavy Metal suranné, non ? Vous me direz.

Alors évidemment, ENFORCER n’est pas génial. N’invente rien. Fait ce que d’autres ont fait avant etc. Les mauvaises langues diront que c’est un bon groupe de première partie pour … IRON MAIDEN : parfait pour crachouiller et « riffouiller » dans une salle de concert qui se remplit. Les mauvaises langues sont réductrices, car le sens de l’accroche d’ENFORCER et la vivacité de l’ensemble tire la mayonnaise vers le haut. Si tout le monde peut citer une dizaine de groupes à avoir mieux « heavy-speedé » dans le passé, j’ajouterai qu’en 2013 ENFORCER est là, lui en tout cas.

Entre Revival d’un Heavy d’antan et hommages aux anciens, ENFORCER force l’admiration – au moins la sympathie. Son "Death by Fire" a des allures de voyage en première classe dans le passé. On s’y croirait tellement, rien que ces solos un rien « démonstratifs » (écoutez l’instrumental "Silent Hour/Conjugation" nom d’un gnou !), ce tempo enlevé… qu’on peut bien se laisser aller, serrer le poing et remuer la tête furieusement. Les yeux dans les yeux, on sait que ça joue premier degré, que ça manque d’un brin de talent, mais vu que "Crystal Suite" pue à plein nez le IRON MAIDEN de la période "Killers", ENFORCER témoigne d’une réelle inspiration pas si évidente à trouver de nos jours… Ne faites pas comme si vous écoutiez du Metal d’une telle qualité tous les jours !


Bref, rien que pour m’avoir permis de retrouver en 2013 des relents d’un vieux MAIDEN, du meilleur du Speed 80, ENFORCER mérite une courbette et quatre loupiottes. Si, si.


Note : 4/5.


Morceau préféré : "Crystal Suite"
(pas de morceau faible si ce n’est l’inutile intro « Bells Of Hades »)