A relire les chroniques des précédents albums du groupe publiées sur notre modeste site, une question semble hanter et occuper en permanence l'esprit des observateurs et honorables collègues : LORDI a-t-il une âme ? Pratiquer un Hard / Glam US sous couvert de masques et de costumes horrifiques est-il suffisant pour revendiquer une identité propre et définissable ? A l'écoute de l'intro quasi-Grind de "We're Not Bad For The Kids (We're Worse), une chose est sûre : en bons démons qu'ils sont, les LORDI se foutent bien d'avoir une âme. Et finalement, vu le pied que l'on prend à l'écoute du sixième album des Finlandais, on s'en fiche également.

Malgré l'accueil mitigé réservé à "Babez For Breakfast", LORDI n'a pas modifié sa formule. Si deux changements de line-up sont à noter (Mana, qui remplace le batteur Otus décédé en 2012 et Hella, nouvelle claviériste), les monstres se sont de nouveau rendus à Nashville, dans les studios du producteur Michael Wagener pour mettre en boîte ce nouvel opus. Mais là où la précédente offrande des Finlandais se faisait faiblarde et décevante, "To Beast or Not To Beast" permet au groupe de repartir sur de bonnes bases. En décidant de se faire plus vindicatif et agressif (aux dires de Mr Lordi, les démos laissées par Otus avant son décès seraient pour beaucoup dans cette nouvelle orientation), LORDI s'offre un coup de fouet salvateur. Les nappes de synthés, très présentes, se voient agrémentées de bruitages inquiétants divers et variés (une poupée désaxée avant "Schizo Doll", un hibou psychopathe sur "I Luv Ugly") qui tissent une toile façon film d'horreur de série B qui fonctionne à merveille. De même, le groupe semble avoir remis en question la construction-même de ses morceaux, offrant à ces derniers une véritable progression en intensité alors que nombre de riffs et refrains affûtés viennent parsemer l'album. Le single "The Riff", qui peut rappeler un UDO en collants, témoigne de cette inspiration renouvelée d'un groupe qui semble parfaitement à l'aise dans son domaine.

Quelques sonorités Indus, un gros son Heavy ("Something Wicked This Way Comes") viennent agrémenter ce nouvel album qui continue de lorgner ostensiblement du côté d'un Hard 80's des familles ("Candy For The Cannibal"). Résister au refrain de "I'm The Best" ou "Happy New Fear" se fait tout bonnement impossible tant le groupe met du cœur à l'ouvrage et s'évertue à mêler ambiances et mélodies percutantes avec une réussite insolente. En mettant le paquet au niveau des paroles également (à noter celles, croustillantes, de "Sincerely With Love"), LORDI ne laisse que peu d'espaces à combler. Les Finlandais font le job, avec une motivation renouvelée, et ne déçoivent qu'en de rares occasions : "Horrifiction" et son côté glam très prononcé, qui sent la redite et la facilité, ou encore "Schizo Doll", à la mélodie trop infantilisante pour séduire pleinement.

En proposant, en guise de dernière piste, un solo de batterie du regretté Otus, LORDI boucle la boucle et entame un nouveau chapitre de sa carrière qui, s'il ressemble à ce sixième album du groupe, devrait lui permettre de renforcer sa légitimité musicale tout en conservant cette légèreté thématique qui lui sied si bien. "To Beast Or Not To Beast" n'est pas le meilleur album de la carrière des monstres finlandais, mais présente toutes les qualités d'un album-référence amené à faire date dans la discographie du groupe. Un bien beau retour.