Devin Townsend est un homme bien occupé. De sa prime jeunesse passée à rouler sa bosse avec STEVE VAI, aux années plus récentes consacrées à sa carrière solo via ses divers projets (STRAPPING YOUNG LAD et autres estampillés ‘TOWNSEND’) unanimement salués par la presse metal et progressive, le Canadien n’a décidément jamais été inactif. Cependant, suite à l’arrêt brutal du STRAPPING YOUNG LAD, on pensait le bonhomme fatigué, préférant conjurer ses démons en se consacrant à sa vie de famille. Mais c’était mal connaître ce véritable boulimique de travail que nous retrouvons début 2009, à déclarer à qui veut bien l’entendre (et nous sommes nombreux) la naissance du DEVIN TOWNSEND PROJECT (le DTP pour les intimes) au concept s’étendant sur pas moins de quatre albums, dont cet "Epicloud" en est … le cinquième volet. Ah oui, Townsend est également un type imprévisible.

Le débonnaire canadien décide donc de pousser le bouchon encore plus loin mais là où les précédents efforts du DTP s'accordaient à retranscrire musicalement une mentalité, un état d'esprit lié à chaque période de la vie du présent individu via le cotonneux "Ki", l'insouciant et fougueux "Addicted", l'autodestructeur "Deconstruction" puis l'éthéré "Ghost", nous sommes cette fois-ci confrontés à un Devin qui, des idées plein les esgourdes, ne compte pas mettre aussi facilement fin à son trip personnel. Souhaitant juste se faire plaisir et, il l'avoue lui-même, caser ces nouveaux morceaux avant de passer à d'autres projets, c'est ainsi que débarque "Epicloud", précédé du slogan le plus ridicule de l'année "It's epic, it's loud : it's Epicloud !"

Soit. Cela a le mérite d'être dit. En tout cas qu'il s'agisse d'une simple coïncidence ou d'un choix artistique délibéré et murement réfléchi, une légère impression de naviguer en terrain balisé vient vite se faire sentir au fur et à mesure de la découverte de ce nouvel opus : des tubes Pop-Metal juvéniles surproduits, une nouvelle collaboration avec Anneke Van Giersbergen (ex-THE GATHERING, AGUA DE ANNIQUE), une relecture d'une de ses propres compositions … Cela ne ressemblerait-il pas à un "Addicted part 2" à peine dissimulé ?

Si ! Les éléments sont trop nombreux pour laisser planer le moindre doute. Introduit par des chœurs 'à la QUEEN' (éparpillés sur la galette), nous nous retrouvons vite aspirés dans un tourbillon Townsendien caractéristique, totalement fou et absolument in-maitrisable. Ces petits bijoux de pop-metalitude que sont "True North", "Liberation" ou encore "Hold On" et "Angel", ne pourront nous le faire nier. Les grosses guitares en mode 'multi-couches' si chères au Canadien sont bien évidemment de la partie, saupoudrées de synthés, de quelques effets électro voir de beats vaguement technoïdes (comme "Addicted", on vous dit). A ce titre les couplets radio-frendly d'un "Save Our Now" devraient en agacer plus d'un, alors que le refrain est juste excellent. Dualité quand tu nous tiens.

Parlons-en justement de cette dualité puisque, outre les titres Pop'n'Heavy que nous évoquions plus haut, le père Townsend n'hésite pas à taper dans les extrêmes balançant des compositions tantôt plus calmes (du sympathique et aérien "Where We Belong" à l'électro-acoustique et touchant "Divine" (certains diront gnangnan), en passant par le bien-nommé mais dispensable interlude instrumental "Lessons") tantôt plus burnées, voir brutales, en témoignent le réarrangement de "Kingdom" (initialement présent sur "Physicist", 2000) fidèle à l'original mais plus rentre dedans sur certaines parties et auquel le chant féminin de la muse Van Giersbergen, s'avèrera être un atout solide tout le long de l'album, apporte une autre dimension, ou encore les puissants "Grace" et "More!" dont certains bourrinages paraissant déplacés de prime abord, s'avèrent vite indispensables et s'accordent au final assez bien avec le ton de cet "Epicloud".

Car au final reconnaissons-le, ce qui lui manque à cet opus, par rapport à une œuvre standard du sieur Devin Townsend, c'est juste un concept (chiadé ou non), un fil conducteur entre les morceaux qui en renforcerait leur cohésion et auquel l'on pourrait se rattacher, justifiant ainsi certains déballages de riffs et d'arpèges et une meilleure exploitation (mais qui suis-je pour balancer un truc pareil … M'en fous !) des belles mélodies qui lui rendent vie. Ou alors … ou alors, nous n'avons juste rien compris, nous évertuant à chercher la petite bête alors que n'avons qu'à considérer cet album honnête, composé de titres plutôt bons (il aurait été dommage qu'ils ne sortent jamais du cerveau torturé de leur géniteur), comme ce qu'il est : une ultime synthèse de ce que le bonhomme nous a proposé sur les quatre albums précédents du DTP. Ouais …

3,5/5