Mettre une note à une démo de ce type est un tantinet absurde. On peut en parler, discuter, contextualiser, critiquer, mais le système de valeurs qui conduit à apposer une note immuable ne s’applique pas correctement. Ou alors on passe à côté de "l’œuvre".

Ici "œuvre" est un bien grand mot pour cet enregistrement archi-amateur qui fait bien entendu très pâle figure comparée à la discographie splendide des Empereurs.

Néanmoins cette prise sur le vif via un pauvre enregistreur quatre pistes en ce début mai 1992 aux alentours de Telemark a fait grand bruit, devenant un bestseller à Helvete, l’antre infâme de Euronymous, inscrivant EMPEROR comme un des plus gros espoirs de la scène et servant de passeport diplomatique pour intégrer directement le cœur noir de l’Inner Circle.

THOU SHALT SUFFER, le projet Death Metal avec claviers de Vegard Tveitan et Tomas Haugen, a rapidement été abandonné sur le bas côté de l’Histoire au profit d’une nouvelle entité 100% diabolique très très fortement inspirée par la toute fraîche éruption noire de MAYHEM, DARKTHRONE et BURZUM, avec comme ambition première de capturer au plus vrai l’ambiance malfaisante des vieux BATHORY, CELTIC FROST, SODOM ou TORMENTOR.

Ce brouillon embryon de ce que sera le groupe doit être jugé avec clémence car faute de batteur c’est Samoth qui s’y colle laissant Ihsahn seul responsable de la six-corde. Avec une seule guitare et une grosse basse fuzzy tenue par Mortiis, sans place sur l’enregistreur pour d’éventuelles notes de claviers, c’est une version particulièrement brute et bestiale qui nous est donné d’entendre.

Le mid-tempo domine, les cris de déments résonnent dans toute la grotte, la lourdeur est de mise. Surprenant. Toute cette barbarie n’empêche pas nos trois compères de balancer des titres catchy nourris de bons riffs (quand on arrive à les discerner).
Des titres suffisamment bien fichus pour que cinq d’entre eux soient réenregistrés "professionnellement" fin 1992, une partie venant accompagner deux nouveaux titres sur le mythique premier mini-album, les trois autres atterrissant sur "As The Shadow Rises" que Samoth sortira en 1994 sur son propre label Nocturnal Art.
De plus le titre incomplet "My Empire's Doom" se verra reprendre de fort belle façon sur "In The Nightside Eclipse", sous le nouveau nom de "The Majesty Of The Nightsky".

L’acquisition de cette démo à la qualité sonore mauvaise mais au potentiel artistique important ne se pose de toute façon pas vraiment puisqu’elle est toujours offerte en accompagnement de l’indispensable premier mini-album "Emperor".
Bref, j’ai mis une note mais franchement ça sert à rien...