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EMPEROR - In The Nightside Eclipse (1994)
Par PERE FRANSOUA le 5 Mars 2018          Consultée 9640 fois

D'aucuns diront que "In The Nightside Eclipse" (ITNE) est un disque essentiel, l’incontournable de toute discothèque idéale. Plus influent qu’un lobbyiste à Bruxelles, il est régulièrement cité par de nombreux musiciens "extrêmes" comme une de leurs sources d’inspiration. Plus que culte, il est, à tort ou à raison, le grand disque dont le jeune Black Metal norvégien avait besoin (le titre ayant été laissé vacant par MAYHEM). Il est la carte de visite définitive d’un genre et d’une période, l’œuvre charnière entre deux époques, d’un côté encore plongé dans le mystère, pétri d'un esprit malfaisant et authentique, et de l’autre ouvrant la voie au futur grandiloquent et sophistiqué.

Nous sommes en 2018, quatre ans plus tôt "ITNE" fêtait ses 20 ans en fanfare avec une réédition anniversaire remasterisée (*) et une désormais incontournable tournée des festoches où l’on joue l’album en entier. Avec tout le recul du monde comme prétexte nous allons tenter de dire quelque chose de neuf sur une œuvre où tout a pourtant déjà été dit et où chacun a pu y aller de son commentaire élégiaque. Quelles sont les raisons d’un tel succès d’estime ? Le disque est-il vraiment à la hauteur de sa réputation ?

Au-delà des sensibilités et des habitudes, on s’accordera sur le fait que son principal défaut réside dans la production faiblarde des guitares (même les membres du groupe semblent d’accord sur ce point). Le pire est qu'il ne s’agit pas d’une vague démo capturée à peu de frais dans un garage mais d’un album enregistré confortablement au mythique studio Grieghallen par le non moins mythique Pytten. Comparativement au premier EP doté d’un son follement grésillant et infiniment plus jouissif, pourtant issu du modeste Studio S, celui de "ITNE" fait pâle figure et constitue un net recul que rien ne justifie ni n'excuse vraiment, si ce n'est une volonté de faire fondre les guitares dans un ensemble brumeux. La version remastérisée sauve heureusement un peu le coup, en rendant un peu de clarté et de patate à l'ensemble mais sans toutefois faire de miracle.

J’aime passionnément ce disque depuis 1996 et je sais qu’en l’état le traitement des guitares participe du charme vaporeux de l’œuvre mais force est de constater que l’on perd énormément de la subtilité des compositions et de l’entrelacement des deux six-cordes. Celle de Samoth qui assure une rythmique vautrée dans la disto sonne ici comme un bruit de fond monocorde et celle de Ihsahn qui danse autour avec une virtuosité bluffante et inédite a le mordant d'un chiot édenté.
Mais que juge-t-on en fait ici ? Quelle version, et quel mix ? Car le double digibook anniversaire offre un second CD avec un autre mixage, totalement inédit datant de 1993. Et sans être radicalement différent nous découvrons une version un chouïa plus percutante où les guitares sont un peu moins étouffées et les claviers légèrement plus modestes.

En étant bien tâtillon on pourrait également reprocher au disque de n’avoir que cinq titres originaux (sans compter l’intro.) En effet "Cosmic Keys To My Creations And Times" et "I Am The Black Wizards", sont repris à l’identique du mini-album "EMPEROR", seulement gratifiés d’arrangements symphoniques plus généreux. Ils y gagnent en majesté ce qu’ils perdent en bestialité. "The Majesty Of The Nightsky" vient de plus loin encore puisqu’il est un recyclage de "My Empire´s Doom" tiré de la bien crade mais bien kvlt démo "Wrath Of The Tyrant", dans une version cette fois complétée et bénéficiant de nouvelles paroles.

Se perdant entre les versions, trouvant à redire sur la créativité de la bande et déplorant le son mollasson, on en viendrait presque à penser que ce disque est surestimé. Mu par un sens courageux du devoir de chroniqueur impartial je songeais même un temps à sacquer la note finale, quitte à devenir sacrilège... Avant de me raviser, et ce pour plusieurs raisons.

Observons ce qui se passe chez votre serviteur lorsqu’il se replonge dans ce vieux disque.
Dès les premières secondes de l'intro mystérieuse je me laisse attraper par la magie, comme lors de mes premières écoutes en cette froide fin d'année 1996. Il se trouve qu’il neigeait ce samedi matin où je reçu enfin le disque par la Poste (il était en rupture de stock depuis des mois chez tous les as de la VPC underground.) Cette impression de vent froid et de magie noire me frappa bien fort. La mauvaise réputation du groupe et son aura mystérieuse décuplaient encore le plaisir secret, coupable mais jubilatoire, procuré par cette musique véritablement subjuguante.
Conscient de ces défauts qui m'agacent je vibre encore, emporté par la batterie enfiévrée, planant avec les claviers frigorifiques, m'embourbant dans la purée de poix des guitares dont s'extraient des mélodies inoubliables. De l'intense "Into The Infinity Of Thoughts" à l'hymne final "Inno A Satana", ce n'est qu'une succession de grands moments. Rien à jeter, tout à vénérer pour des siècles et des siècles.

Tout commence avec cette pochette iconique, plongée dans les bleus-violets nocturnes et dont les paysages d'Heroic Fantasy sont découpés abruptement par la lumière de la lune pleine. Une pochette peinte par l'immense Necrolord, et dont le rendu, plus typique du Death Suédois, tranche avec les nouveaux codes austères du Black Norvégien. Malgré son côté un peu cheesy il se dégage une impression de danger, une tension dramatique et sombre quasiment palpable.

L'album se lance et c'est un voyage qui passera trop vite malgré ces quarante-huit minutes. Il faudra à ce titre saluer la qualité de l'écriture des morceaux. Des compositions prenantes et remarquablement sophistiquées, tout en variétés et progressions.
Les titres majoritairement intenses ont leur break paisible ("Into The Infinity...") et les plus Atmo ont leur passage puissant qui fait secouer la tête ("Beyond The Great Vast Forest", "Towards The Pantheon"). Les musiciens, malgré leur jeune âge, firent preuve d’un sens de la composition à la maturité surprenante, maîtrisant les montées émotionnelles (celle qui conclut "The Majesty Of The Nightsky") et les rebondissements grisants (quasiment chaque titre). On palpite, pris par la fièvre noire de "The Burning Shadows Of Silence" (toujours un de mes favoris), on vole au-dessus d'un nid de goblins avec l'atmosphérique "Towards The Pantheon", on chante de tout son cœur sous la douche les paroles du splendide "Inno A Satana", et l'on continuera encore à se déchaîner dans des siècles et des siècles sur le vindicatif début de "I Am The Black Wizards" (un titre étrange, s'il en est, qui ne cesse de ralentir). Et si l'on peut vouloir dénoncer le manque de matériel original, on plaidera, à sa décharge, que le réenregistrement d’anciens titres pour un premier album était monnaie courante à l’époque et que seulement sept mois séparent l’enregistrement de "EMPEROR", le mini-album, de notre "ITNE".

De même la prestation des instrumentistes est assez bluffante. Du moins on le déduit a posteriori car la production de l’époque masque une partie de la virtuosité des guitares (heureusement, les nombreux bons live disponibles permirent par la suite de profiter de toute la richesse musicale déployée.) Des parties de basse jouées par Tchort on ne dira rien puisqu’elles sont plutôt inaudibles, ceci étant une composante du son EMPEROR dominé par le duo de guitares. Celui qui fait la différence ici est Faust dont le jeu de batterie tout à fait particulier, à la fois nerveux (créant une impression d’urgence) et pleins de subtilités (apportant moult relief), rend ce disque unique et excitant.
Évidemment on ne pourra que louer LES prestations du multi-instrumentiste Ihsahn. "Guitaristiquement" parlant déjà puisqu'il compose et interprète les partitions les plus acrobatiques. Au niveau vocal ce disque paraîtra unique dans la discographie du Norvégien, une étape sympathiquement malsaine, genre gargouillis de sorcier enragé, entre les cris de déments poussés sur les démos, et la forme finale, râpeuse et précise, qu’il utilise encore de nos jours.
Et bien entendu c'est lui qui s’occupe des claviers, offrant à son équipe l'étiquette "Symphonique".

Mais ce disque, souvent considéré comme le premier véritable album de Black Symphonique, est-il à proprement parler "symphonique" ou "orchestral" ? En fait nous sommes ici à mille lieux des orchestrations pompeuses gavées de cuivres aux dimensions cinématographiques façon DIMMU BORGIR et SEPTICFLESH, car sur "ITNE" seuls des nappes de cordes planantes et des chœurs fantomatiques sont utilisés, mais avec quelle efficacité et quelle pertinence ! Faisant plus qu’apporter un supplément de goût, ils transcendent l’œuvre. Pour le Black Metal, dont la puissance atmosphérique servie uniquement par les guitares constitue un des fondements, les claviers de "ITNE" seront le sublime au sens littéral (être juste sous-la-limite), la juste dose au-delà de laquelle on tombe dans le lourdingue (et bien des groupes s'y empêtrerons pas la suite).
L’album est sorti en 1994, la même année que "De Mysteriis Dom Sathanas". Sauf que, à l'instar du grand opus de MAYHEM, il a été enregistré l'année d'avant. Ce détail a son importance pour comprendre le contexte et les circonstances particulières où l’œuvre a été conçue.

En effet l’enregistrement date de juillet 1993 et ne s’est terminé que quelques jours seulement avant l’assassinat sanglant de Euronymous par Varg Vikernes, événement terrible qui plongea ce petit monde dans une tempête médiatique et judiciaire, changeant à jamais la face du Black Norvégien.
Trois des quatre garçons dans le vent (froid du Nord) qui enregistrèrent "ITNE" en ce drôle de mois de juillet se retrouvèrent rapidement derrière les barreaux. Le seul rescapé restant en liberté fut le jeune Vegard Sverre Tveitan, dit "Ihsahn", âgé de 17 ans (**), chanteur-guitariste-claviériste au talent insolent, plus amateur de larsen que de larcin.

Bien que nos gars d’EMPEROR furent les petits jeunes de la bande (les derniers à être arrivés dans le premier cercle) ils en sont les enfants terribles, avec un pedigree en diablerie qui n’a rien à envier aux aînés, de même qu’ils en sont les enfants chéris, ceux qui décrochent un contrat avec le tout jeune label Candellight et tournent en Angleterre avec un certain CRADLE OF FILTH en première partie.
Le plus établi et respecté dans la scène est Bård "Faust" Eithun. Personnage-clé, pilier de Helvete (l’infâme magasin de Euronymous), batteur du pionnier THORNS, il participa activement à plusieurs incendies d’églises en bois et atteignit le dernier cercle du mal en commettant l'irréparable, le meurtre. Un lourd et noir secret, très bien gardé jusqu’à ce que la police fasse cracher le morceau et qu’il écope de vingt années d’incarcération (il en passera neuf, avant d’être relâché.)
Tomas "Samoth" Haugen s’est quant à lui rudement démené pour gagner du galon. Celui qu’on surnommait ironiquement "Lord Of Silence" tant il cultivait le détachement misanthropique est en réalité le plus connecté. Il participa à de nombreux projets, musicaux, en aidant un tas de groupes (BURZUM, ARCTURUS, SATYRICON, GORGOROTH), et extra-musicaux, en jouant lui aussi au pyromane sacrilège, chose qui lui valut quelques mois à l’ombre.
Avec le bassiste Mortiis parti, ou viré, selon les sons de cloches, c’est un certain Terje Schei, dit "Tchort", qui le remplace à la quatre-cordes. Son passage dans EMPEROR fut bref mais intense. Et s’il ne brille pas par son expérience de musicien (il jouait du Death chez GREEN CARNATION) il assure en tant qu’activiste satanique taré. Recruté peu de temps avant le mini-tour en Angleterre et l’enregistrement qui suivit dans la foulée, il se retrouva également au pénitencier pour agression au couteau et vandalisme de cimetière.

Quand le disque sort enfin un an plus tard, entre l'attente et la mauvaise réputation, la claque est énorme et les répercussions immédiates, influençant avec une rapidité jamais vue des wagons de musiciens, de CRADLE OF FILTH à LIMBONIC ART en passant par DIABOLICAL MASQUERADE, GEHENNA, COVENANT, j'en passe et des moins bons.
Le groupe, revenu au noyau dur Ihsahn-Samoth, devra se recomposer et ressusciter dans un monde nouveau où le Black Metal, en particulier celui avec des claviers, sera à la mode, partout. EMPEROR reviendra revendiquer sa place légitime avec un "Anthems To The Welkin At Dusk" tout puissant, spectaculaire et ébouriffant mais qui aura aussi perdu au passage de sa profondeur et de sa magie (avant de se perdre totalement et définitivement par la suite).
Il est donc bon de rappeler que sa réputation et l’amour inconditionnel de ses fans, c’est avant tout à "ITNE" qu’EMPEROR le doit.
Ce disque possède une âme, vibrante et pénétrée de mystères. C’est ce qui continue de nous fasciner chez lui, malgré son âge et ses imperfections. L’âme bouillante de la jeunesse dans toute sa splendeur, extrême, possédée, donnant tout comme s'il n'y avait pas de lendemain, mais une jeunesse diablement talentueuse et travailleuse aux vues du résultat.

Note réelle : 4,5/5, histoire de dire que c’est pas si parfait, mais qu’en fait c’est très bien comme ça. Bref une œuvre parfaite dans ses imperfections.

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(*) Remasterisé par le très compétent Jens Bogren, avec qui IHSAHN et ENSLAVED travaillent depuis longtemps et chez qui tout le monde va se faire mixer le son depuis un moment.
Et proposé dans une version anniversaire gourmande avec des inédits et un livret contenant de belles photos d'époque ainsi qu'une longue interview où les quatre membres reviennent sur les circonstances de l’enregistrement. Une interview pas du tout inédite puisque ayant déjà été publiée par Decibel Magasin des années auparavant.

(**) C’est notre tout jeune Ihsahn, seulement âgé de 17 ans (et donc interdit de bar) qui reste enfermé en studio avec Pytten des nuits durant, y développant les parties symphoniques dans des proportions inédites et apprenant les arcanes de l’enregistrement, développant une passion du studio qui ne le quittera plus, tandis que les autres allaient boire des coups tranquilou une fois leurs partitions enregistrées.

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Cette chronique, modeste réécriture de celle du grand Julien, lui est dédiée. Julien, je te salue humblement. Merci à toi d’avoir jadis couvert de ta plume l’âge d’or du Metal sombre.

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- Ihsahn (chant, guitare, claviers)
- Samoth (guitare)
- Tchort (basse)
- Faust (batterie)


1. Into The Infinity Of Thoughts
2. The Burning Shadows Of Silence
3. Cosmic Keys To My Creations & Times
4. Beyond The Great Vast Forest
5. Towards The Pantheon
6. The Majesty Of The Nightsky
7. I Am The Black Wizards
8. Inno A Satana



             



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