Il est agaçant de lire la multitude de poseurs coller des 3/5 à des disques fondateurs et légendaires pour faire les malins. Ces petits intéressants baignent dans toute la modernité Metal et se permettent de revenir sur des albums ancestraux avec leurs lunettes de sachants, arguant qu'il y a eu mieux depuis. Est-ce que je viens chier sur Ronsard ou Du Bellay en affirmant que la poésie de la Pléiade est dépassée et pas si culte ? À l'instar de ces génies littéraires du temps jadis, BURZUM est intemporel, et il a révolutionné le monde de la musique, basta. Je sors les crocs sur cette question car le temps nous fait oublier l'impact des choses, et la déconstruction ambiante qui frappe nos sociétés nous pousse, consciemment ou non, à nous attaquer à des idoles. Il n'en est pas question ici. Tout comme "De Mysteriis Dom Sathanas" est culte, "Hvis Lyset Tar Oss" est intouchable.

Lorsque cet album sort, Varg montre déjà son génie et sa singularité. Il était pourtant lui aussi subjugué par le chef de file du mouvement, Euronymous, dont l'influence magique disparaîtra bientôt, laissant la place à une volonté de puissance menant à on sait quel meurtre. Rien de surprenant, venant d'un Norvégien qui déteste le christianisme, aspire à un renouveau nationaliste païen, et affirme sans cesse la loi du plus fort. Euronymous était impressionné par BURZUM, on le sait, et il aurait dû se douter dès "Hvis Lyset Tar Oss" que l'esprit derrière cet album ne laisserait pas un autre que lui mener la barque Black Metal.

Oui "Hvis Lyset Tar Oss" est odiniste. Varg l'a toujours été, et BURZUM n'est rien d'autre qu'une ode à un passé disparu, mais bien intact dans le coeur de Vikernes. Odin, l'Oeil Unique, le voyageur par-delà les fjords, habite son œuvre. La foi de Varg explique le caractère singulier, habité, de ses albums, et ce culte "Hvis Lyset Tar Oss" ne déroge pas à la règle. Dès les premiers claviers de "Det Som En Gang Var", la majesté frappe, avant que la bataille ne s'avance. Nous sommes face à un des meilleurs titres de l'Histoire du Black Metal, et, très honnêtement, il porte à lui tout seul cet album.

Car oui, je défends bec et ongle cet album alors que "Filosofem" est selon moi supérieur. Mais "Hvis Lyset Tar Oss" est loin d'être parfait; il ne tient que par ce premier morceau légendaire. La suite, elle, n'est pas à la hauteur, entre un titre éponyme violent sans être marquant et un "Inn I Slottet Fra Droemmen" au riff adolescent que seule la superbe fin rattrape. Reste "Tomhet", jolie finale d'un album ensorcelé, dont le chant est d'ailleurs l'une des grandes forces, même si je lui préfère la paisible force mystique de "Filosofem".

BURZUM montrait donc les signes d'une volonté de mener son propre destin. Loin des MAYHEM, IMMORTAL et EMPEROR, Varg trouvait une voie atmosphérique, contemplative, à l'image de sa foi véritable. Électron libre, il ne pouvait que faire imploser la scène dont il détestait les postures satanistes de pacotille, la pleutrerie des membres et le refus de mener une révolution véritable. Il y a dans "Hvis Lyset Tar Oss" tout Varg, son amour d'un monde disparu, sa rage jamais éteinte, son refus de la norme et le tout transpire déjà d'un désir d'en découdre pour espérer atteindre le Valhalla.