N’en déplaise aux puristes, à l’instar de ce que Dave Mustaine est à MEGADETH, MACHINE HEAD est le groupe de Robb Flynn. Un tantinet megalo, parfois ingérable, il est l’incontestable responsable des succès comme des plantages du groupe d’Oakland. Sa signature guitaristique, à base de riffs tranchants incorporant des harmoniques, est incontestable, ce qui m’amène parfois à me demander s’il n’est pas injustement mésestimé sur ce plan, du fait de sa grande bouche bien souvent outrancière. Alors quand le chef et ses comparses Phil Demmel et Dave Mcclain décident de faire route à part, là où d’aucun s’offusquent, je ne suis pas plus surpris et inquiet que cela. D’autant que "Catharsis" était franchement raté, sans cohérence ni inspiration. Le changement était de ce fait inévitable. Bienvenue donc à Vogg (DECAPITATED) et Matt (DEVILMENT, et ancien Tech de la bande) qui viennent prendre le relai avec réussite sur ce 10ème LP de la tête de machine.

Concept-album selon son géniteur, "Øf Kingdom And Crøwn" narre l’errance vengeresse d’Ares et Eros dans un monde post-apocalyptique. Annonçons les choses telles qu’elles sont : MACHINE HEAD signe ici un retour en forme, après plusieurs années de galère. L’agressivité de l'ensemble est incontestable et Robb n’a jamais chanté aussi bien à mon sens, tant dans un registre émotionnel qu’énervé. Si les singles sortis depuis plusieurs mois m’avaient laissé un sentiment mitigé, ils s’intègrent ici parfaitement dans la continuité du voyage et trouvent une seconde jeunesse ("Unhalløwed", "My Hands Are Empty" dont le pont a été composé par Logan Mader le guitariste originel de la formation himself, "Chøke Øn The Ashes Øf Your Hate"). Seul "Røtten" me semble parfaitement dispensable parmi ces titres déjà connus. Le laisser de côté aurait également permis de réduire la durée de la galette, un poil trop copieuse (1h au total).

Le titre d’ouverture, "Slaughter The Martyr" est brillant et résume ce que MACHINE HEAD sait faire de mieux de nos jours. Une longue intro, présentant le personnage d’Ares, prépare l’auditeur à la folie meurtrière qui constitue le fil conducteur du disque. Celle-ci se manifeste par un riff assez jouissif, comme la bande n’en avait pas sorti depuis "The Blackening". On ne sent pas passer la durée du morceau de pourtant plus de 10 minutes, tellement celui-ci est construit avec soin et intelligence. Il rappellera à certains "Halo", pour le meilleur on s'entend. Les soli, tant sur ce titre que sur l’ensemble, sont particulièrement réussis et vont chercher des mélodies plutôt originales, complétant à merveille la structure des morceaux. Autre point positif, les fréquentes interventions vocales de Jared MacEachern, le bassiste, sont bien senties et apportent une réelle profondeur au chant. Robb partagerait-il la lumière ?

Si certaines pistes sont peut-être plus génériques, elles n’en restent pas moins plaisantes, et les fautes de goûts pourtant coutumières chez les vétérans de la Bay Area sont rares, tant et si bien que "Øf Kingdom And Crøwn", à la pochette élégante et racée, signe en beauté le renouveau de ce monument qu’est MACHINE HEAD, toujours suivi par une fan-base fidèle, et généreux en concert (près de 3h lors de la dernière tournée anniversaire "Burn My Eyes"). Après la douche froide de l’opus précédent, ça fait rudement plaisir !