Quand une nouvelle direction ne fait pas l'unanimité, les artistes ont souvent plusieurs possibilités de se sortir de l'ornière. Certains choisissent de renier cet écart pour renouer avec le style qui a fait leur succès, en y croyant plus ou moins, et souvent en condamnant et son honnêteté artistique et son inspiration. Car quand vous ressentez le besoin d'aller voir ailleurs, c'est sans doute que vous avez déjà tout dit dans le style qui a fait votre réputation. Les fortunes sont diverses, mais SONATA ARCTICA ne s'en est jamais vraiment relevé par exemple.
Vous avez après ça ceux qui décident de faire l'autruche et font comme si la dite pièce n'avait jamais existé (coucou JUDAS PRIEST, ou encore BULLET FOR MY VALENTINE qui a reviré de bord toute après le très osé "Gravity", allant jusqu'à l'ignorer totalement lors de son dernier passage au Hellfest).

Et puis vous avez ceux qui assument à 200%. Et de ce point de vue, IN FLAMES ne déçoit pas (ou beaucoup, les avis divergent grandement). Si le glissement était progressif depuis "Come Clarity", la tendance s'est accélérée avec le départ de Jesper Strömblad, et "Siren Charms" apparaît malgré tout comme un précipice. Avant cela, je faisais partie des gens qui attendaient encore la sortie d'un nouvel IN FLAMES, "Sounds To A Playground Fading" bien qu'inégal, n'étant pas dépourvu de certaines qualités. Mais l'album de 2014 a carrément douché mes espoirs, phénomène largement accentué par le retour triomphal d'AT THE GATES.

Et je n'étais visiblement pas le seul. Car si vous pouvez observer en ces pages une appétence toujours aussi vivace de la part des chroniqueurs pour DARK TRANQUILLITY et AT THE GATES, il est clair qu'IN FLAMES ne fait plus bander grand-monde. Et pourtant… "Battles" a un défi à relever, et le quintette suédois y met toute son énergie et sa créativité.

J'attendais cette soirée d'été après la satisfaction du devoir accompli après une semaine intense consistant à donner des concerts et faire pas mal de route pour vous livrer après une ultime écoute mes impressions sur ce onzième album des Suédois. Le fait est que j'ai peu écouté de musique hors Hellfest depuis quelques semaines, et si la voix d'Anders Fridén et la façon qu'a Björn Gelotte de construire ses parties de guitare en tierces restent reconnaissables, il est intéressant d'écouter cet album sans le prendre pour cette onzième livraison. Si n'importe quel groupe sans notoriété avait sorti "Battles" je ne doute pas qu'on en aurait salué les nombreuses idées, les audaces d'arrangement, le travail d'orfèvre sur l'ambiance de chaque titre, le travail vocal extrêmement poussé et réussi comme jamais (même le successeur de "Battles" n'ira pas si loin), ainsi que le soin apporté à l'individualité de chaque titre et la qualité de la production, tant le son global est d'une précision implacable et flatte chaque instrument, les guitares en ressortant reines, charnues, avec ce son typique. Mike Plotnikoff, issu de la sphère ALL THAT REMAINS (dont on retrouve ici le chanteur, tant aux chœurs qu'à l'écriture) mériterait sans doute davantage de crédit tant son travail est ici probant.

Mais voilà on parle d'IN FLAMES, et on s'attend à du skank beat, des vocaux arrachés et des riffs typiques comme il en a envoyé des dizaines par le passé. De ce côté on sera forcément déçu, même si plusieurs passages viennent nous rappeler d'où viennent les Suédois (le couplet de "Us Against The World" un de ces titres bonus dont on comprend totalement le positionnement, tant le collage entre le couplet agressif et le refrain très Pop est malhabile, ou encore la bien plus réussie "Through My Eyes", le genre de banger à la "Take This Life" qui soulage).

"Battles" n'est sans doute pas l'album du siècle, mais j'y trouve une créativité et un souci d'innover tout en modernisant son propos qui me rassurent quelque part quant à la sincérité artistique d'IN FLAMES qui a visiblement décidé de tracer sa propre voie sans chercher à tout prix à flatter ses vieux fans, qui de toute façon seraient restés accrochés aux albums sortis quinze ans plus tôt.
"Battles" n'est sans doute pas l'album du siècle, mais j'y trouve mon compte, il reste intéressant et constant sur ses cinquante-cinq minutes (presque, "Here Until Forever" se pose niveau bouse), resserrant chaque fois son propos pour ne conserver que l'essentiel. Curieux de lire les commentaires, tant cet album sera susceptible de diviser, tout comme le fit son prédécesseur, que je continue de trouver franchement deux crans en-dessous.