Pour beaucoup, l’aventure THIN LIZZY commence avec "Nightlife", qui marque la naissance du groupe tel qu’il aura été le plus populaire et même si l’on sait que la formation avait eu une carrière auparavant, on a tendance à l’ignorer. L’oublier volontairement car instinctivement, on sait que THIN LIZZY ne sonnait pas THIN LIZZY. Pas de jeu à la tierce puisque évidemment, il n’y avait qu’un guitariste, une volonté également moins Hard Rock, moins affirmée dans ce domaine. Et effectivement, cet opus éponyme n’a rien à voir avec ce qui sera fait par la suite.

Sans mentir, ce n’est pas un très bon album. Il trahit la jeunesse des musiciens, qui avaient pourtant déjà glané une certaine expérience. Dans le microcosme musical de Dublin où tout le monde se connaît, les groupes connaissent beaucoup de changements de line-up. Quand Lynott postulait pour rejoindre SKID ROW, Gary Moore y jouait déjà par exemple, Rory Gallagher était déjà une célébrité locale et l’Irlande semblait une terre si inhospitalière pour percer ! Ce premier disque connaîtra de faibles ventes, mais il aura le mérite de mettre en avant certains points qui auront fait la légende de THIN LIZZY.

Déjà, il y a cette voix, particulière, capable d’agressivité, coupable d’une Soul encore imparfaite mais qui commence déjà à percer. Phil Lynott est sans conteste l’attraction de ce disque, chanteur qui sait déjà en mettre plein la vue, mais pas à la façon de Freddie Mercury (QUEEN), avec beaucoup plus de subtilité que cela, doublé d’un bassiste au jeu riche et velouté. Ensuite, l’autre point fort réside dans le second versant de la section rythmique. Disons-le tout de suite : Brian Downey est un batteur vraiment sous-estimé. Si ici son jeu n’a pas encore l’ampleur qu’il aura par la suite, il possède déjà une frappe fabuleuse, lourde, un peu à la Bonham (LED ZEPPELIN), mais sachant se montrer parfois plus inventif, à la façon d’un Roger Taylor (QUEEN encore). Puis il y a la guitare de Eric Bell, aux influences Blues évidentes, qui sait se faire plus félin quand il le faut.

"Thin Lizzy", c’est un album qui hésite souvent dans la direction à prendre. Tour à tour doux, ou au contraire virulent, aux contours plus Funky et Soul ou au contraire plus raides, il mange à tous les râteliers, au petit bonheur la chance, avec des pics d’intensité tout simplement monstrueux d’efficacités. Si "Look What The Wind Blew In" se drape des atours de ce que la formation proposera dans l’idée des années plus tard, "Return Of The Farmer’s Son" séduit avec son côté plus rentre-dedans, sur laquelle Brian Downey en met plein les oreilles.

Souvent inégal, ce disque ne permettra au groupe de n’avoir qu’un succès d’estime alors qu’il s’inscrit dans les standards de l’époque. Malgré la qualité des musiciens, il manque encore une originalité à l’ensemble pour réellement briller, ainsi que des refrains efficaces, qui donnent envie de s’époumoner en chœur au pub, en lavant sa Guiness en signe de ralliement. L’histoire de THIN LIZZY ne commence pas comme un conte de fée et les musiciens vont devoir batailler ferme pour arriver à leurs fins…