DIAMOND HEAD est indiscutablement le plus grand gâchis de la NWOBHM. Non content d'avoir acquis une célébrité quasi posthume grâce à l'amour indéfectible de Lars Ulrich, et aux fameuses reprises de METALLICA, c'est avant tout un groupe qui disposait d'atouts considérables qui auraient pu (dû) les conduire au sommet, notamment en sens du riff et de la composition bien supérieur à celui de la plupart de ses contemporains, une palette stylistique assez unique, depuis les titres Heavy jusqu'aux frontières de l'AOR, et un chanteur totalement unique. Bien plus qu'un nouvel ersatz de Robert Plant, Sean Harris est un vocaliste bourré de talent, à l'aise dans les registres durs mais également capable d'apporter aux compos du groupe une sensualité et un feeling peu courant dans notre genre de prédilection.

Mais voila, alors qu'une carrière à la DEF LEPPARD semblait à la portée du combo britannique, le sort, les mauvaises rencontres (ou l'absence des bonnes rencontres), les décisions hasardeuses, les hésitations stylistiques voire les non-choix d'orientation musicale, auront eu raison des surdoués du lot, ceux sur lesquels chacun aurait volontiers misé dans la grande course à la gloire.

Il nous reste heureusement de bien beaux souvenirs, et quelques excellents disques, dont ce "Borrowed Time" pour nous rappeler combien DIAMOND HEAD pouvait briller de mille feux. Je tiens d'ailleurs entre les mains une réédition vinyle de 2024 de cet album, signe que le groupe n'est pas totalement oublié, et qui étonnamment redistribue l'ordre des titres par rapport à la version d'origine, en positionnant en premier titre "Call Me", morceau le plus radio friendly de l'opus (comme si cela avait encore une quelconque importance aujourd'hui).

Le contenu est évidemment de grande qualité. Mes préférences vont aux titres les plus tranchants, tout d'abord le dynamique "Lightning To The Nations", titre emblématique des débuts du groupe qui ressemblait fort alors à une profession de foi et met parfaitement en valeur tant l'organe vocal de Harris que la virtuosité du duo de guitaristes, avec des variations de tempo superbement orchestrées. "Borrowed Time" est un autre grand moment du disque, une composition épique illuminée par de superbes arpèges de guitare en intro, quelques notes de claviers subtiles, et une nouvelle performance majeure de Sean Harris, avant un étonnant solo de guitare aux inflexions parfois presque Jazz dans un jeu "out" du meilleur effet. Le célébrissime "Am I Evil" représente la facette la plus Heavy des natifs de Stourbridge, ce titre est évidemment une tuerie, un des plus grands de la NWOBHM. Anecdote amusante à ce propos : dans l'excellent documentaire de ARTE "Heavy Metal Kingdom", Brian Tatler confie qu'il vit confortablement de sa retraite grâce aux royalties touchées suite aux reprises du titre par METALLICA. Le reste de l'album est moins imparable, mais globalement de belle qualité, le single "Call Me" est bien fichu, alors que le groupe se lance dans un long pastiche de LED ZEPPLIN sur "Don't You Ever Leave Me" avec un joli passage central bluesy à souhait. "In The Heat Of The Night" est un titre qui se révèle lentement mais qui dégage une belle atmosphère, alors que "To Heaven From Hell" est un peu le vilain petit canard du lot même s'il révèle le savoir faire du groupe sur des morceaux plus mainstream.

C'est donc un superbe album, d'ailleurs magnifiquement illustré sur une pochette évocatrice de l'oeuvre de Moorcock, que nous offre en 1982 les Britanniques, et une bonne idée que profiter de sa réédition pour le découvrir ou le redécouvrir. Malgré le son et la production évidemment un peu datés (quoique très corrects) vous y rencontrerez un combo bourré d'idées d'inspiration et de talent, auquel il n'aura peut-être manqué qu'un peu de chance pour devenir totalement énorme.